Guide : L’accessibilité pour tous aux TIC : Comment toucher et intéresser les publics les plus éloignés ? Un guide pédagogique à paraître pour les acteurs de l’accès public

, par  Philippe Cazeneuve , popularité : 5%

Ce texte présente la problématique qui guide le travail de rédaction en cours de ce second volume d’une collection de guides pédagogiques initiée par CRéATIF avec le soutien financier de la CDC.

Le Progrès ne vaut que s’il est partagé par tous

La problématique du « fossé numérique »

 Un fossé socio-économique : les cadres et professions intellectuelles supérieures utilisent internet 6 fois plus que les ouvriers (76,3 % contre 12,9 %). (sce :ROUQUETTE, INSEE, 2002).

 Un fossé d’éducation : 68 % des diplômés de l’enseignement supérieur utilisent internet contre 14 % des sans-diplôme. (Sce : BIGOT, CREDOC, 2002)

 Un fossé de générations : 68 % des 15-24 ans l’utilisent, mais plus on avance en âge, moins on utilise l’internet : 39 % des 35-49 ans sont utilisateurs, et seulement 3 à 5 % des plus de 65 ans. (Sce : BIGOT, CREDOC, 2002)

Des non-usagers réfractaires aux TIC ?

La progression continue du nombre d’abonnés et d’usagers d’internet, ne doit pas nous faire oublier qu’une part importante de la population reste aujourd’hui encore à l’écart des « autoroutes de l’information ».

Certains d’entre eux s’affichent même comme carrément réfractaires : 65 % des personnes non diplômées ou faiblement diplômées ne sont pas connectées à internet et n’envisagent pas de le faire (Sce : LOUE et HEITZMANN, SESSI, 2003).

Les « sans-claviers », nouveaux exclus ou exclus à nouveau ?

La maîtrise pratique de l’outil informatique, intégrée par les « cols blancs » ou les employés de bureau n’est en rien comparable avec la distance, voire la crainte de l’outil que manifestent bons nombre de demandeurs d’emploi peu qualifiés, de personnes retraitées, de femmes au foyer ou de travailleurs du bâtiment, pour qui l’informatique reste un objet mystérieux et lointain.

Lorsque nous nous engageons pour promouvoir la diffusion des usages des TIC, nous devons être vigilants aux questions d’équité, afin d ?éviter que l’exclusion numérique ne vienne renforcer les différentes formes d’exclusions sociale.

Illettrisme et illectronisme

Selon une étude menée par l’OCDE auprès de 20 pays industrialisés, un quart des adultes n’ont pas les compétences nécessaires en lecture, en écriture et en calcul pour naviguer sans problème sur internet.

En insistant sur la nécessité d’apprendre à lire et à écrire avec les nouveaux médias, le néologisme « illectronisme » introduit un parallèle intéressant avec la notion d’illettrisme. Pourtant, cette analogie féconde a été peu exploitée du point de vue des méthodes pédagogiques mises en oeuvres dans les lieux d’accès publics numériques.

Il serait intéresser de creuser cette piste, et de voir dans quelle mesure l’expérience acquise dans la lutte contre l’illettrisme est transposable à « l’alphabétisation numérique ».

L’utilité précède l’usage

Les travaux du sociologue Philippe Mallein ont permis de dégager les facteurs-clés permettant de favoriser l’appropriation des objets technologiques par les usagers. Pour qu’une personne « adopte » facilement un objet, il faut :

1. qu’il ait du sens pour elle, que son utilisation soit perçue comme positive,

2. qu’il lui soit utile dans ses activités habituelles,

3. qu’il soit facilement utilisable, que son usage soit facile à comprendre,

4. qu’il présente une valeur ajoutée économique réelle.

Ainsi, se concentrer uniquement sur l’utilisabilité, en adaptant les outils et en développant la capacité des personnes à les maîtriser, est nécessaire mais de loin insuffisant.

Développer les usages des TIC auprès de certaines populations suppose que chacun puisse trouver du sens et de l’utilité, ainsi qu’une réelle valeur ajoutée en investissant du temps et de l’argent dans la pratique de ces outils.

Aller à la rencontre des publics éloignés

Les « Espaces Publics Numériques » ont été créés pour « lutter contre la fracture numérique ».

Si les publics visés initialement ne viennent pas spontanément dans ces lieux créés à leur attention, il est sans doute temps que les professionnels de l’accès public s’interrogent sur les moyens à mettre en place pour « aller au devant » des publics prioritaires, du point de vue de l’équité sociale.

Pour une inclusion numérique et sociale

« Le but poursuivi en utilisant les TIC avec les groupes de personnes marginalisées n’est pas de combler le « fossé numérique », mais plutôt de poursuivre un processus d’inclusion sociale. » (Sce : Warschauer, 2002)

« Pour favoriser l’inclusion économique et professionnelle de tous, les techniques numériques doivent être porteuses de valeurs et améliorer la participation démocratique ainsi que les conditions de vie des individus. » (Sce : Charte pour l ?inclusion numérique et sociale, 2004)

Sources :

BIGOT Régis, Le fossé numérique en France, Cahier de Recherche, CREDOC, n° 177, novembre 2002, 87 p.

[ http://www.credoc.asso.fr/ca/c177.htm ]

ROUQUETTE Céline, Un tiers des adultes ont déjà utilisé l ?internet, INSEE Première, N°850, juin 2002.

[ http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/IP850.pdf ]

LOUE J-F et HEITZMANN R., L ?internet avance : les jeunes poussent, Les 4 pages du Sessi, DiGITIP ? Ministère de l ?Economie, des Finances et de l ?Industrie, N°172, février 2003.

[ www.industrie.gouv.fr/biblioth/docu/4pages/pdf/4p172.pdf ]

OCDE, La littératie à l ?ère de l ?information. Rapport final de l ?enquête internationale sur la littératie des adultes, Paris, 2000. [ http://www1.oecd.org/media/parutions/pb00-09f.htm ]

WARSCHAUER Mark, Reconceptualizing the Digital Divide, First Monday, Vol.7 N°7, Juillet 2002. [ http://www.firstmonday.dk/issues/issue7_7/warschauer/ ]

Charte pour l ?inclusion numérique et sociale : http://charte.velay.greta.fr/