Interview de Louis-Julien de la Bouëre, la cartographie collaborative pour partager et ouvrir le territoire

, par  Michel Briand , popularité : 4%

Bonjour Louis-Julien est-ce que tu peux te présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Louis-Julien de la Bouëre, je travaille aujourd’hui comme entrepreneur indépendant (via Chrysalide, une Coopérative d’Activité Economique), au sein d’un collectif d’entrepreneurs.eures qui s’appelle Tiriad. Je réalise mon activité au sein de ce collectif autour des questions de collaboration, de territoire et de cartographie [1].

Au cœur de cette activité se trouve la place que peuvent avoir le numérique et les pratiques collaboratives pour imaginer les territoires de demain, des territoires ouverts si possible.

Je suis formateur, et j’accompagne également des collectifs citoyens, des associations ou des collectivités, un peu partout en France.

Si tu avais quelques mots clés pour te présenter en termes de coopération quels seraient-ils ?

Le premier mot qui me tient à cœur est celui de la rencontre, mais également de l’animation, parce que c’est ce que je fais depuis 30 ans dans des cadres très différents, en incluant chaque fois cette question de la coopération et de l’humain.

Ce qui m’a toujours intéressé en faisant de l’animation, c’est d’apporter des méthodes, des outils, des savoirs que j’avais récoltés, et de les mettre en mouvement, en fonctionnement avec les gens que j’avais en face de moi.
J’ai commencé par de l’animation nature : à 11 ans j’ai accompagné mon premier groupe et ce goût pour l’animation m’est resté. Je mets toujours dans mes formations une petite part théâtrale dans ma façon d’animer.

Quand je parle de rencontre je pense aux personnes bien entendu, mais également aux thématiques : faire coopérer les gens mais aussi faire coopérer les idées, les projets, les initiatives.

Avec le temps, j’ai compris que ma spécialité c’était d’être un généraliste, je ne suis un expert ni en cartographie, ni en coopération. En revanche ce que j’aime c’est m’inspirer des uns et des autres particulièrement hors de nos cadres habituels.
Et ce qui me tient à cœur est de réussir dans chaque projet à mélanger tout cela, à faire en sorte que nous sortions de nos silos, à mettre l’humain au centre et commencer à coopérer sans se demander particulièrement où on va.

J’aime bien aussi le côté passion  : il y a beaucoup de passion humaine dans nos univers autour du travail collaboratif et du partage ; nous sommes des militants, nous avons des valeurs à défendre. Même si nous ne perdons pas de vue que ce travail doit aussi être rémunérateur.

Qu’est-ce qui, dans ton expérience personnelle ou professionnelle a fait que tu t’es impliqué dans la coopération ?

Je me suis rendu compte que c’était la frustration !

Depuis tout petit j’ai accumulé des frustrations dans des situations où il ne m’était pas possible de partager. Si à 12 ans je savais reconnaître une mésange (j’adore les oiseaux !), et que je voulais et pouvais très bien partager une donnée sur les mésanges, on ne me reconnaissait pas comme assez expert pour le faire.
Il m’a fallu attendre des années la reconnaissance à la fois de mon expertise par mes pairs, et l’acceptation que ce que je pouvais partager comme données en ornithologie ou en botanique puisse être réutilisé par d’autres.

Avant l’arrivée du numérique, je n’avais jamais réussi à trouver l’endroit où je pouvais partager, de manière libre, sans jugement, sans critique, et sans limite.
J’ai aussi eu cette frustration à l’école face à certains contenus enseignés qui ne bougeaient pas d’une année sur l’autre et que j’aurais voulu partager sur internet pour les faire évoluer, sauf qu’à l’époque (1995/96), c’était pas si facile.

La brèche ouverte par le web collaboratif, créer un premier wiki ont été, pour moi, quelque chose de révolutionnaire : enfin j’avais un endroit où je pouvais non seulement partager ce que je voulais et pourquoi pas reprendre aussi ce que les autres avaient fait, sans avoir besoin d’autorisation.

Cette confrontation amateur-expert est quelque chose qui m’a toujours titillé, n’étant expert de rien mais ayant toujours en tant qu’amateur beaucoup de choses à partager.

S’il y a un endroit où je me suis éclaté et où je m’éclate toujours c’est la cartographie collaborative : j’y ai trouvé un espace où je peux participer et partager quasiment sans limite, sans demander la permission à quiconque. Cette coopération m’ouvre des horizons que je trouve assez fabuleux, ouverture que j’avais pu aussi découvrir dans des projets de sciences participatives comme Tela Botanica.
Si aujourd’hui beaucoup de projets sont encore fermés, je me dis que la passion doit pouvoir faire bouger les lignes.

Peux-tu nous raconter un ou deux projets coopératifs auxquels tu as participé ?

Tela Botanica

Le premier projet qui m’a marqué est Tela Botanica, un projet que j’ai vu naître quand je travaillais à l’association des écologistes de l’Euzières, dans le sud de la France.

Je voyais qu’il se passait quelque chose d’assez extraordinaire, et c’est un projet que j’ai aimé suivre ensuite. Créer un réseau ouvert de partage de contenus dans un univers où chacun œuvrait de manière isolée avec souvent peu de moyens, où les gens aiment plutôt être sur le terrain que derrière un ordinateur :c’était à l’opposé de tout ce qui se faisait dans les sciences.

Cela a été pour moi une révélation : voir qu’un espace existe, partager de manière ouverte sans avoir l’accord de tous, voir que c’était possible a été un grand changement de paradigme parce que j’avais enfin trouvé un endroit qui me correspondait. Je n’ai pas forcément été un grand participant de Tela Botanica, je m’y suis investi un peu, mais cela a rendu possible ce dont j’avais envie et par ricochet, cela devenait possible sur n’importe quel sujet.

J’ai été formé comme chargé de projet intervenant sur des projets planifiés : dès le départ sont connus les personnes qui vont gérer le projet, le budget et les résultats attendus, et globalement qui seront les partenaires.
Nous sommes nombreux à avoir été formés comme cela : en démarrant on connaît presque déjà le résultat de notre expérimentation.
Dans Tela Botanica, c’est une intuition, une envie qui motive et on met en action.
Tela Botanica a été pour moi la première étape, un des premiers réseaux qui a réussi dans un contexte où cela semblait improbable.

OpenStreetMap et la cartographie collaborative

“OpenStreetMap (OSM) est un projet de cartographie qui a pour but de constituer une base de données géographiques libre du monde (permettant par exemple de créer des cartes sous licence libre), en utilisant le système GPS et d’autres données libres. Il a été mis en route en juillet 2004 par Steve Coast au University College de Londres ...

En 2019, le 5 millionième contributeur participant à la réalisation de la carte mondiale librement accessible et utilisable a été enregistré."

Dans wikipedia

Le deuxième projet, c’est la cartographie collaborative avec OpenStreetMap. C’est un projet que j’ai découvert en 2009 en étant animateur multimédia dans la commune de Plouarzel. [2].

D’un besoin simple qui était de refaire le plan de la commune, nous nous sommes dit qu’on allait y répondre en faisant participer les habitants. Et cela a fonctionné, nous avons organisé des Cartoparties, nous avons eu 50 participants et nous avons été à l’origine du premier plan de ville réalisé par des habitants en France en CC-by-SA !

Tous les réseaux en ont parlé, et aujourd’hui encore 10 ans plus tard j’ai l’étiquette du « gars qui a fait la carte de Plouarzel ! » Même si pour le coup ce sont surtout les habitants qui ont travaillé dessus, j’ai juste servi les madeleines et le café ! J’ai assuré ce travail d’animation pour faire se rencontrer les gens et publier les contenus.

Cela m’a ensuite ouvert des portes et me permet aujourd’hui de faire de la formation et d’accompagner des collectivités autour d’OpenStreetMap, pour libérer de la donnée et créer des cartes ouvertes.

Je suis aussi très investi dans l’association OpenStreetMap France. C’est devenu une passion, passion pour les cartes bien sûr, mais également pour tout ce qui se passe dans l’association, dans les réseaux de contributeurs.trices.

Nous sommes dans une démarche de libération des contenus. Par exemple : quand aujourd’hui en France il n’existe pas de carte des défibrillateurs, et que les SAMU ne peuvent même pas savoir où ils se trouvent, OpenStreetMap décide d’en créer une !
On ne rentre pas dans les bagarres d’ego, c’est une communauté dans laquelle ce n’est pas tant la donnée qui est importante que le fait de créer un pot commun où tout le monde va pouvoir imaginer de nouveaux services. C’est une sorte d’ « innovation sans permis », une formulation que j’aime beaucoup. On a envie de le faire, on le fait !

Cela amène parfois des frictions entre la communauté OpenStreetMap et certains organismes, parce qu’on empiète sur des prés carrés ; on se fait même parfois traiter d’ultras communistes ou/et d’ultras libéralistes...

Mais ce qui compte c’est que je me sens très libre de m’exprimer, de partager, et que je puisse imaginer comment on peut rendre des services à la population en matière de santé, d’environnement ou de connaissances de son territoire ..

Est-ce que tu aurais un ou deux exemples de cartes collaboratives auxquelles tu as participé ?

Le monde de l’humanitaire est un monde qui, d’après ce que j’ai pu observer, en est sans doute au stade où en étaient les associations de l’environnement avant l’émergence des sciences participatives. Il n’existe ni partage des données, ni partage d’informations entre les structures.

C’est dans ce milieu qu’a émergé un projet de cartographie humanitaire libre et collaborative : dès qu’il se passe une catastrophe dans le monde, une inondation, un tremblement de terre ou des guerres, des personnes cartographient jour et nuit pour venir en aide aux populations sur le terrain, et aux équipes de secours. 
Cela me plaît vraiment beaucoup de participer à ce projet pour n’importe quel pays, à n’importe quel moment. Qui plus est, ce n’est pas un projet Nord-Sud comme on le voit souvent dans le numérique : des Africains ont par exemple beaucoup cartographié le Népal.

Les communautés mondiales s’entraident à n’importe quel endroit de la planète, au moment où elles sont disponibles et où elles ont les moyens de le faire.

Sur le site Humanitariam OpenStreetMap Team (HOT), une équipe met en place les cartes pour tous les projets humanitaires existant partout sur la planète.
Dès qu’une crise se produit, une mission peut se créer sur ce sujet et vous pouvez aider à cartographier. C’est comme cela qu’à Brestpar exemple on a organisé des soirées Mapathon pour cartographier : on se regroupe à 30, 40 ou 50 personnes et on passe quatre heures à cartographier, ce sont des moments qui sont aussi très conviviaux.

À distance on fait de la « cartographie de sofa » : on consulte des images aériennes qui sont mises à jour en continu et sur lesquelles on peut voir des routes, des maisons que l’on cartographie. On met de la donnée de masse qui nous est facilement accessible par internet, lorsque les équipes sur place vont elles pouvoir ajouter un puits, qualifier un campement, situer une infirmerie.

Le principe de la cartographie humanitaire est que les équipes sur place ajoutent de la donnée de terrain, pendant que nous constituons la base, sur laquelle elles ne peuvent pas intervenir, faute de temps et de moyens.

Un autre exemple de carte collaborative en France ?

Un projet que j’aime beaucoup est celui du Collectif des garrigues qui rassemble des citoyens et des élus pour réfléchir à l’avenir des garrigues. Depuis plusieurs années, le projet Carto-garrigues cartographie de manière participative des éléments du patrimoine et répond également aux demandes des habitants. Si des personnes ont envie de faire une cartographie des garrigues autour de l’exploitation du bois des pâturages, ce collectif se met à leur service pour produire cette carte.

Ces cartes sont réalisées sous une licence libre et publiées sur OpenStreetMap. Ce collectif a ainsi permis de cartographier des endroits qui étaient complètement oubliés.

On connaît assez bien le fonctionnement de Wikipédia mais on connaît moins celui d’OpenStreetMap ; est-ce que tu peux nous en dire quelques mots ?

OpenStreetMap est un projet né en 2004. Il est géré par une fondation anglaise, qui a pour mission de s’assurer que les serveurs fonctionnent et que les licences soient bien respectées : la licence ODBL pour la base de données et la licence CC By SA pour les réutilisations, mais ce qui compte c’est surtout la base de données.

Il n’y a pas de salarié à la fondation aujourd’hui ; pas plus que dans les associations locales qui représentent la communauté OpenStreetMap dans le monde : la gestion est assurée uniquement par des bénévoles. Les financements des serveurs sont assurés par des dons de particuliers ou d’entreprises utilisatrices d’OpenStreetMap.
Le fait de ne pas avoir de salariés est un choix pour l’association OpenStreetMap France. Elle reçoit pourtant des demandes de support de personnes, organismes pour organiser des formations ou être accompagnées dans le développement de cartes. Dans ce cas, elle renvoit vers des professionnels OSM. C’est une autre forme d’économie collaborative.

L’association se met également au service des contributeurs pour mettre à disposition du matériel, pour aller sur le terrain ou fournir des éléments de communication, pour permettre aussi la mise en place de listes de discussion ou d’échanges mais avec des bénévoles uniquement.

Toute une économie s’est créée autour d’OpenStreetMap avec des producteurs de données, des producteurs de cartes, des personnes qui font de la formation, qui accompagnent des collectivités pour mettre en place des programmes touristiques en utilisant OpenStreetMap. Ces services ne sont pas fournis par l’association française, ni par la fondation. C’est un choix conscient.
Il existe un pot commun qui permet de faire émerger des économies, des prestations de services que chacun doit inventer.

Pour preuve parce qu’il y a certains chiffres que j’aime bien pour dire que ça marche : 5 millions de personnes ont un compte OSM, plus de 9000 « tuiles » carto sont servies chaque seconde par les serveurs OSM-monde et plus de 2 milliards en 2018 par les serveurs OSM-France. Alors qu’on ne me dise pas que le collaboratif ça ne fonctionne pas !

En Bretagne, les collectivités et services de l’État en région ont rapidement contribué à OpenStreetMap. Est-ce que de ton point de vue il y a une particularité autour de la coopération en Bretagne ?

Au sein de la structure dans laquelle je travaille (Tiriad), on a commencé sur Brest et en région Bretagne en bénéficiant d’une grande attention de la part des acteurs locaux. Ce qui fait que l’on peut assez vite approfondir les concepts de participation, coopération, collaboration. Les acteurs pratiquent déjà certaines formes de coopération.

Lorsque l’on va dans d’autres régions, on se rend compte qu’on est souvent loin de cette coopération. C’est parfois très compliqué de faire travailler les élus avec des associations, avec des entreprises.

Une personne des services de l’État, arrivée récemment à Géo Bretagne [3] me disait qu’en Bretagne il existe une culture de coopération, on peut avoir des gens très différents autour de la table et on se parle tous au même niveau. Les acteurs sont habitués à travailler ensemble malgré les différences entre les uns et les autres. C’est un bon terreau pour la coopération et les communs, mais cela nous oblige aussi à aller beaucoup plus loin que ce que l’on peut faire dans d’autres endroits.

Je ne sais pas d’ailleurs à quoi est due cette pratique de la coopération, cela m’interroge. Je pense que c’est quelque chose de très partagé sur l’ensemble de la région. Ailleurs on le retrouve également mais pas à cette échelle régionale. C’est le cas par exemple en Ardèche où sur certains territoires, les gens ont envie de faire des choses ensemble et coopèrent énormément. Mais cela reste sur une échelle plus localisée.

Il existe beaucoup de fantasmes sur le collaboratif, mais aussi des peurs, un peu comme sur le numérique. Certaines personnes ont la volonté de tout faire en collaboratif et d’autres à qui cela fait très peur, la peur d’une perte de pouvoir.
Pour moi les compétences collaboratives, les compétences d’animation de projets collaboratifs sont l’enjeu de demain. Si on veut avoir des territoires plus collaboratifs, plus ouverts, qui avancent, il faudra accompagner les personnes pour développer leurs compétences d’animation collaborative, et qu’ils ne soient plus seulement des gestionnaires de projets.

Avec la formation Animacoop, plusieurs centaines de personnes ont été formées à la coopération, cela constitue aujourd’hui un réseau de personnes qui partagent un socle commun mais que chacun explore à sa manière sur son territoire.

D’après tes observations, le fait que 200 à 300 personnes aient été formées à la coopération sur Brest apporte-t-il quelque chose de territoire ?

La première chose que cela a apporté c’est un réseau : des personnes qui se connaissent, et qui peuvent se contacter quand ils ont des projets.

Cette approche étant un peu pionnière, il est important de le faire avec d’autres et de se sentir soutenu, surtout lorsqu’on fait partie d’une structure en fonctionnement hiérarchique et en silos, on a besoin de trucs et astuces pour s’entraider.
Par ailleurs, je recroise beaucoup de gens qui me disent réutiliser au quotidien des outils numériques et surtout des méthodes, des postures vues dans la formation. Cela s’est disséminé un peu partout sur le territoire, beaucoup dans l’économie sociale et solidaire et un peu dans les collectivités. Ce terreau permet par exemple lorsque l’on veut faire un festival autour des communs [4] ou un événement autour du collaboratif, beaucoup de mains se lèvent.

C’est cela que la formation a créé : ce réseau de personnes prêtes s’investir pour faire des choses ensemble.

Si tu avais à décrire une difficulté pour coopérer quelle serait-elle ?

Il y a d’abord notre passif scolaire. Les freins qui existent aujourd’hui sont des freins à l’expression : avoir le droit de s’exprimer librement, de dire ce que l’on pense, et de construire son propre savoir. On ne nous a pas donné les clés pour cela : je pense qu’il faut qu’on travaille sur ces clés-là, donner dès aujourd’hui aux enfants la liberté de s’exprimer, et de partager le savoir qu’ils auront construit.

A partir du moment où les enfants n’auront plus peur d’aller au tableau, alors on aura gagné.

Pour les personnes avec qui je travaille et qui ne vont pas retourner à l’école, je pense qu’une difficulté se situe autour de l’enjeu de la perte de pouvoir, de contrôle, une question difficile à travailler avec cette incertitude sur le ou les résultats en changeant de méthode de travail.

Dans les collectivités, je rencontre des personnes, pourtant nouvellement arrivées, qui ont l’impression que le collaboratif va remettre en question ce qu’ils font, qu’ils ne vont plus trouver la place de leur métier dans ces projets collaboratifs, qui sont alors perçus comme une menace. C’est souvent le cas avec OpenStreetMap par exemple.

Et à l’inverse qu’est-ce qui te semble facilitateur ?

Ce qui facilite grandement les choses c’est d’organiser des choses simples pour montrer que la coopération est possible. Quand on crée une opération libre dans un petit village rural, ou une cartopartie dans une petite commune, on peut montrer tout de suite que c’est concret et pas très compliqué. Pour beaucoup de gens, le collaboratif et les communs sont assez conceptuels, on a besoin d’expérimentation sur le terrain, avec des animations simples.

« Opération Libre c’est 48 heures d’animations participatives, pour collecter et libérer les informations et outils d’une commune, avec les habitants, des associations et contributeurs »

 
Extrait de la page d’opération libre.org

On aura du mal à motiver les gens à faire des cartes pour des cartes, il faut que cela corresponde à un usage. Montrer à un élu que demain sur la carte de sa commune il y aura tous les services publics , les points de récupération de déchets, les chemins de randonnée et que cela sera fait par des habitants à moindre coût (même si cela a toujours un coût), on a là quelque chose qui suscite l’intérêt.

A Redon, nous avons installé despetites caméras sur les camions poubelles qui vont parcourir toutes les rues du territoire. On collecte alors des photos qui seront mises en ligne un peu comme ce que fait Google Street View .

Ces contenus partagés sur une plate-forme dédiée vont ensuite permettre de faire des inventaires de matériel urbain de manière automatique et à moindre coût.
Ainsi on peut imaginer faire collaborer différents services au sein d’une collectivité ou d’une administration avec des habitants pour un projet qui va créer de nouveaux services. Il faut pouvoir mettre en place ces expérimentations et les montrer, je pense qu’on en est encore au tout début de ce processus.

Les opérations libres sont un très bon format, des habitants du pays de Redon par exemple ont participé à deux animations, ont partagé des contenus sur Wikipédia, sur OpenStreetMap, sur Regard citoyens.
Et ils ont créé un wiki de leur territoire parce qu’ils se sont dit que les habitants étaient les personnes les plus à même d’en parler. Ce n’est plus du marketing territorial, c’est nous qui parlons de nos territoires. Pour collecter les contenus ils se forment entre eux et créent des cartes de leur territoire contenant par exemple des informations sur les endroits où l’on peut manger bio, où se trouvent les arbres remarquables....
C’est typiquement le genre de choses simples à mettre en place, qui rend un vrai service, et qui crée de l’animation, des rencontres, du vivre ensemble sur un territoire ouvert.

Sur la coopération y a-t-il des lectures ou des personnes qui t’ont inspiré ?

Je lis peu de livres techniques ou théoriques, j’aime beaucoup écouter les gens et m’inspirer de ce qu’ils disent.

J’ai beaucoup appris avec Laurent Marseault en termes de travail autour de l’animation et sur le sens que l’on peut trouver à tout cela ; il nous a aussi aidé dans le projet Tiriad.

Quand je suis arrivé à Brest, beaucoup de choses ont été facilitées par la politique publique mise en œuvre parMichel Briand. Et j’ai hérité de beaucoup de choses au croisement de ces deux personnes.

Beaucoup d’autres personnes m’inspirent mais je n’ai pas de gourou, ce sont surtout des rencontres importantes qui ont marqué mon parcours, comme Daniel Mathieu lorsqu’il a créé Tela Botanica.

[1Louis-Julien est aussi co-président d’OpenStreetMap depuis juin 2018

[2Voir la description(code source) de cette réalisation dans les recettes libres du wiki a-brest, la La page du projet Plouarzel sur le wiki d’OpenStreetMap et l‘interview de Louis julien, coopération et cartes participatives à Plouarzel (8 juillet 2012) ?

[4Depuis 2009 Brest en biens communs devenu ensuite Brest en communs rassemble en octobre des années impaires une quarantaine d’initiatives autour des communs au pays de Brest. En janvier a commencé la préparation de Brest en communs 2019 qui en sera la 6éme édition.