Une webradio au Festival Européen du Film court à Brest entretien avec Marc et Véronique professeurs au lycée Vauban

, par  Michel Briand , popularité : 10%

Un projet innovant cela peut aussi s’inscrire dans la durée, 21 ans près le lancement des Web trotteurs des lycées à Brest, chaque année une ou plusieurs classes participent à l’animation de ce festival. Aujourd’hui c’est l’expression radio qui est choisie et articulée avec l’enseignement au lycée, récit et témoignage par ces deux enseignants, aussi animateurs...

Bonjour Marc et Véronique cela fait maintenant 21 ans que les Web-trotteurs des lycées sont présents au Festival Européen du film court est-ce que vous pouvez nous présenter ce projet ?

Le festival européen, du film court : https://www.filmcourt.fr/Le-festival.html

Marc  : Ce projet a démarré en 1998, les élèves du lycée Vauban avaient été invités à réaliser le site web du festival. Cela se réalisait à l’époque en langage HTML, l’usage des outils de publication de type CMS (système de gestion de contenu qui sépare l’écriture de contenus du codage de présentation) a démarré en 2002 avec la diffusion et l’accompagnement local du logiciel libre SPIP. Et puis on s’est rendu compte de fil en aiguille que pour publier sur Internet il était plus simple avec des élèves d’utiliser des outils collaboratifs.

Très vite on a mis en place un site SPIP pour co écrire sur le site des Web trotteurs durant le festival. Au fil des années on s’est aussi rendu compte que les élèves étaient davantage motivés par le reportage multimédia. A une époque le projet regroupait jusqu’à 3 lycées brestois (Lesven, La Pérouse-Kérichen et Vauban) avec un forte implication des collègues de français (Carine Urban et Gaëlle Guillamet-Metz).

Tranquillement nous avons basculé sur la Web-télé avec les conseils avisés d’un collègue CPE, Jean-Yvon Corre : nous faisions beaucoup d’interviews sous forme de vidéo ; nous avions un studio et nous étions spécialisés dans les interviews vidéo durant le festival.

Et depuis quelques années nous somme passé à la web-radio. La radio est un média qui intéresse beaucoup les élèves, c’est un levier qui favorise les apprentissages, la prise de parole des élèves et les fait s’exprimer. C’est eux qui ont monté la web-radio VBXradio.fr qui diffuse de la musique 24H/24. Les élèves de la filière Professionnelle du lycée Vauban se sont également investis sous l’impulsion d’une collègue enseignant en Systèmes Numériques (Nathalie Kerdelhué).

Une présentation du projet sur le magazine a-brest en 2004 : https://www.a-brest.net/article131.html [1]

La particularité de de ce projet c’est qu’une classe entière y participe, est-ce que vous pouvez nous présenter l’articulation entre la couverture de cet événement et son usage en classe ?

Véronique  : L’organisation est liée à l’emploi du temps. Je suis professeure principale d’une classe de seconde que Marc a également en cours. L’idée est de lier nos deux matières, et à travers le festival, de permettre aux élèves de prendre la parole et de s’exprimer. Cette classe assiste aux séances de projections et réalise des chroniques ou des reportages sur la journée selon les envies ou les rencontres. Ce n’est pas évident à caler, le temps passe vite ! En ce moment les élèves sont en séance et ensuite la journée sera quasiment terminée pour eux, on verra ce qu’ils ont réussi à produire sur une journée. Cela leur donne un aperçu de ce qu’est aussi le festival.

Marc  : Pour l’articulation entre les deux matières, Véronique enseigne français et de mon côté, j’enseigne les Sciences du Numérique et Technologie (SNT), une matière maintenant obligatoire en seconde. Je vois avec mes élèves toute la partie organisation du studio radio : comment mener une émission mais aussi l’aspect technique du studio radio (réglage du niveau sonore, retouche, mixage, gestion des directs et du cartoucheur...).

Véronique  : De mon côté, en français, on travaille la manière dont ils vont se présenter, poser des questions parce que ce n’est pas évident d’aller au devant de personnes que l’on n’a jamais vues, de se présenter de commencer à poser des questions sur un métier qu’ils ne connaissent pas d’ailleurs non plus. Certains élèves ont fait ce matin des interviews d’un réalisateur, d’une directrice de casting, c’est aussi une ouverture sur des métiers liés au cinéma, à l’image et au son.

En cours, avec le retour de la grammaire dans les programmes, nous avons revu les interrogatives ; qu’est-ce que poser une question, les mots interrogatifs, l’interrogative partielle ou totale...

De plus, en amont ils ont aussi réfléchi à la forme qu’ils allaient donner à leurs interviews ou à leurs chroniques ou à leur micro trottoirs. Ils ont découvert différentes formes de questionnements possibles.

Marc  : Un exemple de collaboration, dans mon cours de la semaine dernière où je les avais en groupe (16 et17 élèves pour une classe de 33 élèves) ils ont travaillé dans le studio radio avec leur classeur de français, la nécessité d’interdisciplinarité est forte et concrète, la phase d’écriture est indispensable avant de commencer l’enregistrement.

Le site de la radio VBXradio.fr du lycée Vauban qui diffuse de la musique 24H/24 : http://www.vbxradio.fr/

Véronique  : Ce que je trouve génial avec la radio c’est que cela permet de s’entendre, de se réentendre, de travailler la voix et la manière de la poser. Ils vont pouvoir retravailler leur interview, lisser, introduire peut-être d’autres sons s’ils veulent la rendre plus vivante et puis ce travail se fait en groupe et favorise les échanges et l’écoute entre eux.

Marc  : Dans ce projet il y a quelque chose qui me passionne, c’est de voir les élèves se métamorphoser. On a eu tout à l’heure Yann [2] qui ne dit rien en cours, il est hyper discret mais lorsqu’il a pris le micro, qu’il a commencé à poser des questions, les premières étaient difficiles, mais après on ne pouvait plus l’arrêter .. c’était extraordinaire et cela fait plaisir .

Véronique  : On voit des élèves sortir de leur coquille, prendre confiance en eux. Cela les prépare à l’oral qu’ils auront l’année prochaine, les familiarise avec la prise de parole parce qu’ils auront à présenter leurs propres choix en français avec le nouveau bac sur une des œuvres du programme étudiée dans l’année. Il prennent également conscience de l’importance de l’articulation, ou de la difficulté de parler tout simplement dans un micro, ce qui n’est pas un exercice évident pour tout le monde.

Marc  : Ce projet c’est aussi l’intérêt de faire découvrir un haut lieu culturel brestois, le Quartz. Lorsque que j’ai fait un sondage dans la classe il y avait seulement 5 ou 6 élèves qui étaient déjà venus au Quartz dans cette classe de seconde générale. Ils découvrent le Quartz et ils découvrent aussi la culture du film court qu’ils ne connaissaient pas du tout. Il y a beaucoup d’aspects dans ce projet de Web radio au festival qui développe chez nos élèves leur propre Education Artistique et Culturelle.

Véronique  : On est toujours surpris, parce que pour nous c’est une évidence que les élèves connaissent ces lieux, où en tant que brestois on vient depuis des années. Mais pour les élèves, c’est vraiment une découverte qu’ils apprécient.
Marc : Cela les responsabilise aussi parce qu’ils ont un rôle, une place dans cette organisation même si cette année on n’a pas pu faire les T-shirts qui d’habitude les identifient au sein du festival.

Véronique  : Pour revenir à la matière je leur ai demandé de travailler sur l’oral, de préparer les questions mais j’ aime bien aussi qu’ils travaillent sans trop de supports écrits pour l’oral, pour que cela soit plus spontané et qu’ils voient qu’ils sont tout à fait capables de poser des questions sans un support écrit qu’ils vont lire. Ensuite en classe, ils vont revenir sur un des court-métrages qu’ils auront vu et choisir d’en faire une critique plus développée.

Et en tant que professeur de français tu arrivais comment à la radio ?

Véronique  : La radio c’est presque le hasard également. J’ai commencé à m’intéresser à la radio associative Mutine qui n’est pas loin de chez moi, à Kerangoff. J’écoute beaucoup la radio et j’ai proposé une émission autour de la bande dessinée à Mutine et ils ont accepté. J’ai commencé à faire une émission toutes les semaines d’une heure à peu près et puis de fil en aiguille des plateaux radio en direct sur les festivals.

Si vous aviez à décrire un peu les quelques compétences qui sont acquises par les élèves dans ce projet qu’elles seraient-elles ?

Marc  : Je dirais que cela favorise la prise de parole, en particulier pour les élèves discrets qui arrivent à retrouver confiance en eux à se rendre compte qu’ils peuvent parler aussi, qu’ils peuvent poser des questions, donner leur avis. On essaye d’être bienveillants, de faire en sorte que chacun trouve une place : des élèves qui ont plus de difficultés peuvent être plus à l’aise avec la technique.

Véronique  : Ces difficultés ne sont pas d’ordre scolaire. Certains élèves n’ont pas envie de prendre la parole au micro ou face à quelqu’un. On ne les force pas non plus, on les accompagne. Parfois ça fonctionne ou pas. Là sur le groupe il y a un seul élève qui vraiment n’a pas voulu s’impliquer ou parler.

Marc  : Une des compétences est aussi de collaborer parce que pour faire une émission de radio, il faut travailler en équipe : il faut poser des questions qui ont été préparées en amont. Il est indispensable qu’ils articulent entre eux les questions posées pour qu’il n’y ait pas de répétition. C’est un travail collaboratif que de mettre en place une émission.

Véronique  : Cela les oblige aussi, et c’est extrêmement important à s’écouter, ce qu’il ne font pas forcément toujours ou pas suffisamment. Là, ils sont obligés de s’écouter, d’écouter les réponses, pendant les projections, durant les interviews, les plateaux. Ils sont très respectueux, très silencieux pendant le travail des autres et cela, c’est déjà une grande réussite.

Marc  : Cela demande aussi beaucoup de concentration et d’énergie, on ne s’en rend pas toujours bien compte. Ils posent trois questions mais il y a beaucoup de pression lorsqu’un réalisateur est là en face de vous. Ils ont le trac, certains sortent de là en tremblant et ont besoin de se reposer. En tant que professeur nous sommes contents qu’ils aient réussi à avoir confiance en eux, voire se surpasser. C’est aussi un investissement physique.

Qu’en est-il de la diffusion possible de ce type de projet de radio en classe entière ?

Nous témoignons là que cela fonctionne très bien. Il faut un peu de matériel c’est un choix que nous avons fait au lycée Vauban. Mais dans tout établissement avec un matériel assez léger on peut tout à fait se lancer.

Nous avons surtout l’opportunité d’avoir un événement culturel qui nous accueille avec un lieu propice pour mettre en place ce projet. Un espace nous est réservé au deuxième étage du Quartz. C’est calme et très confortable avec un contexte global qui est propice.

Mais cela pourrait se faire ailleurs.

Et si vous aviez un conseil à donner ?

Allez-y foncez ! Ne pas hésiter à essayer ! Ne pas avoir peur non plus.

C’est ce que nous avons dit aux élèves ce matin, que ce soit réussi ou pas, l’expérience est toujours positive !


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[2] le prénom a été changé