Interview de Guillaume Josse, fondateur de Futura-sciences Entretien avec Guillaume Josse publiée par la revue Captain Doc, une publication de INIST Diffusion.

, par  Michel Briand , popularité : 4%

"La diffusion de la culture scientifique doit être un des vecteurs de

la reconquête active de l’intérêt estudiantin pour les sciences".

Guillaume Josse est fondateur et chef de projet du site internet

Futura-Sciences http://www.futura-sciences.com, portail de référence

dans le domaine des sciences et technologies. Elève ingénieur à

l’ENST-Bretagne, passionné de plongée et de windsurf, il est

actuellement en stage Jeune Ingénieur - césure en entreprise d’un an

entre la 2ème et 3ème année - chez Alcatel Alenia Space.

Pour Captain

Doc il revient sur le concept du site et sa démarche, à l’heure où les

étudiants désertent les filières scientifiques.

Guillaume Josse : Futura-Sciences est un carrefour où convergent les

richesses thématiques des sciences et des technologies. De la physique,

à la biologie, en passant par l’astronomie, l’informatique ou les

mathématiques, l’internaute peut emprunter ces routes et se laisser

guider par 4 pôles : s’informer, comprendre, communiquer et se

détendre.

C’est aujourd’hui une équipe bénévole d’une trentaine de personnes,

pour plusieurs millions de pages lues par mois.

Le concept invite l’internaute à plonger "au coeur de la science" au

travers d’un portail internet dynamique qui présente une actualité remise à jour en

permanence et de nombreux dossiers, de la recherche au

quotidien, aux grandes avancées : retour en vol de la navette américaine

en direct, télévision numérique terrestre, boson de Higgs, viaduc de

Millau, réchauffement climatique, gastronomie moléculaire, théorie de

l’évolution, crocodile du Nil...

Les forums de débats et de discussions - plus

de 30 espaces différents pour 300 000 messages - sont aussi à découvrir

ainsi que l’agenda des

manifestations scientifiques, une grande galerie photos et maintes autres

rubriques.

Futura-Sciences permet aujourd’hui de rapprocher les scientifiques des

citoyens et favorise la maitrise des enjeux posés à la société par les

nouvelles découvertes. Les ramifications conceptuelles de thèmes de

recherche récents comme le clonage sont parfois complexes, et il est

important d’apporter des réponses aux nombreuses questions qu’elles

peuvent susciter.

Captain Doc : Comment vous est venue l’idée de faire connaître la

science ?

G. J. : Passionné au lycée par les avancées prodigieuses des

technologies et les percées scientifiques faites dans de nombreux

domaines, ma découverte d’internet fut à la base de cette aventure. La

culture scientifique me paraissait trop absente des médias

traditionnels et cette porte ouverte vers un eldorado numérique fut le

déclic pour la création du site en juillet 2001, alors que je rentrai

en PC* (deuxième année de prépa scientifique) au lycée Masséna.

L’humanité se cherche, encore et toujours. Mais aujourd’hui plus

qu’hier, les scientifiques nous interpellent. Les progrès de la science

ouvrent des boîtes de Pandore, closes jusqu’à ce jour. L’être humain

est placé devant de nouveaux défis, insurmontables si nous ne sommes

pas correctement informés.

C’est à la croisée de ces chemins que le concept de Futura-Sciences fut

forgé et qu’il évolue constamment aujourd’hui. Car dans cette ère de

l’instantané, la remise en cause doit être permanente afin de fournir

une information de qualité, claire et objective.

Captain Doc : Comment vit ce site ? Et comment êtes-vous arrivé à y

associer autant de personnalités du monde scientifique ?

G. J . : Au-delà du site internet, Futura-Sciences, c’est une grande

aventure humaine. Le site constitue une association de type loi 1901

animée par des bénévoles. Le réseau des réseaux a permis de fédérer une

équipe dynamique dont les membres proviennent d’horizons et de pays

divers : France, Angleterre, île de la Réunion, Pologne, Espagne... De

cette diversité culturelle découle notre énergie et un profond

engagement pour changer la donne. Un travail constant et une

organisation qui va de pair avec nos objectifs et les technologies

actuelles - wiki, forums, liste de discussions... - nous permet chaque

jour depuis 4 ans de construire cette action.

Mieux appréhender les enjeux des découvertes de demain, c’est aussi

mieux connaître les acteurs à la base de ces recherches. C’est pour

cette raison que dans une rubrique spéciale appelée "carte blanche" nous présentons le

portrait d’une centaine de personnalités scientifiques : Axel Kahn,

Jean-Pierre Luminet, Pierre-Gilles de Gennes, Bernard Lang, Hervé This,

Robert Kandel et bien d’autres. Au travers d’un dossier, de la

description de son métier et d’une biographie, le chercheur propose à

l’internaute de découvrir ses activités de tous les jours et les sujets

de ses travaux. A titre d’exemple, Daniel Desbruyères, chercheur à

l’IFREMER, nous captive grâce à une formidable plongée dans le froid et

l’obscurité des abysses.

Le dénominateur commun de cet engagement est avant tout la passion des

sciences et cette volonté d’en présenter les facettes réactives et

vivantes. Des scientifiques renommés comme Axel Kahn ou Roger-Maurice

Bonnet, qui parrainent le site, n’hésitent pas à accepter nos

invitations pour venir rencontrer les internautes lors de t’chats ou de

forums spéciaux, durant lesquels les internautes peuvent les

questionner sur des sujets aussi variés que la médecine de demain ou

l’atterrissage de la sonde Huygens sur Titan, que Futura-Sciences a

suivi en direct avec images et vidéos.

Captain Doc : Alors que le nombre de jeunes intéressés par les métiers

scientifiques est insuffisant, la diffusion de la culture scientifique

reste un parent pauvre des établissements d’enseignement et de

recherche en France. Comment expliquez-vous cette "réserve" et

qu’attendez-vous des établissements publics ?

G. J . : Les besoins en recrutement de haut niveau vont être importants

dans les prochaines années mais à cette promesse d’envolée du marché de

l’emploi s’oppose depuis le milieu des années 90 une tout autre réalité

 : les étudiants délaissent les filières scientifiques et à nombre

d’élèves relativement stable dans l’enseignement supérieur, les

inscriptions ne cessent d’y diminuer.

La diffusion de la culture scientifique doit être un des vecteurs de la

reconquête active de l’intérêt estudiantin pour les sciences. Il est

vrai qu’au travers de nos sollicitations sur Futura-Sciences, nous

avons pu noter une certaine réserve des établissements d’enseignements

supérieurs ou de recherche. L’enjeu est peut-être parfois mal perçu et

les priorités peuvent se bousculer, ce qui est compréhensible. Je crois

aussi que le potentiel d’Internet pour cette mission reste sous-estimé.

Mais concrètement la publication d’un dossier sur les turbo-codes avec

l’ENST-Bretagne a représenté en quelques jours plus de 10 000 accès.

Certains chercheurs se montrent d’emblée très motivés pour participer à

notre rubrique "carte-blanche" présentée plus haut, qui est destinée à

mettre en valeur les travaux de leur recherche et à donner envie aux

jeunes de se lancer dans une carrière similaire à la leur.

J’ai toujours perçu avec beaucoup d’intérêt les travaux pratiques et en

classes préparatoires nous avions systématiquement les yeux écarquillés

lorsque notre professeur de chimie nous présentait une expérience

"fumante" ! Cet accès pratique à la science et à ses réalités

quotidiennes est capital et fait aussi partie intégrante de la

diffusion de la culture scientifique. Peu de personnes imaginent par

exemple que la théorie de la relativité d’Einstein est la clé qui nous

a permis d’assurer la fiabilité actuelle du GPS et du futur système

européen Galiléo.

Il est vital d’assurer ce relais et ce rapprochement avec les jeunes

pour rendre la science accessible et moins opaque. Certaines actions

existent comme les conférences Népal (Noyaux Et Particules Au Lycée)

mais cette dynamique devrait être systématique et faire partie

intégrante des politiques de développement des écoles et universités,

des engagements des enseignants, pour capitaliser ce patrimoine

scientifique et le transmettre.

Je tiens enfin à profiter de cette interview pour remercier tous les

bénévoles qui s’investissent dans Futura-Sciences pour leur passion et

leur dynamisme ! Si participer à l’aventure vous intéresse, n’hésitez

pas à nous contacter

Propos recueillis par Michel Briand pour Captain Doc

© Captain Doc, septembre 2005

Et le mot du captain publié dans ce numéro 42 de Captain doc

On ne communique pas la sagesse comme on transvase le contenu d’un

récipient dans un autre, faisait observer Socrate à ceux qui se

collaient autour de lui. Une certaine conception d’Internet et de la

diffusion du savoir aurait parfois intérêt à ruminer cette plaisanterie

du grand ironiste. En apparence, un outil sans précédent de diffusion

du savoir, infini, bienveillant, prévenant même...

Cela n’empêche un fait, à savoir que le goût du savoir est en

régression. Captain Doc revient sur la question de la diffusion du

savoir, autour du site vedette animé par G. Josse (notre invité). Pour

lui l’information scientifique n’est pas simple affaire de curiosité ou

de passion, c’est aussi un enjeu politique et social fondamental, en

prise avec une actualité souvent menaçante.

Il convient donc de ne pas idéaliser le vrai visage du savoir.

Peut-être n’est-il pas fondamentalement rassurant, ou même éclairant :

c’est ce que suggère l’approche sonore, inspirée par la technologie,

que donne C. Jaeglé du philosophe (notre Biblionet). Il convient

surtout de s’interroger sur la relation du savant et du profane, qui ne

saurait se réduire à la simple "communication".

L’adresse originale de cet article est https://www.a-brest.net/article1850.html