Villes internet questions ouvertes à l’évaluation

, par  F. Morvan , popularité : 2%

Lorsque le président du Jury nous a appris que Brest passait de 4@ à 3@, nous n’avons été qu’à moitié surpris.

L’évolution du questionnaire nous laissait pressentir une divergence entre notre politique centrée sur l’accompagnement des acteurs locaux à Brest et l’approche plus déclarative, donnant plus de place à l’e-administration de Villes internet.

Acteur depuis plusieurs années de Villes internet, l’équipe « citoyenneté et nouvelles technologies » s’est interrogée sur cet écart : d’un côté nous sentons au quotidien les actions d’appropriation sociale se renforcer à Brest, de l’autre Villes internet évalue une régression à travers la réponse au questionnaire et la visite des sites de la ville.

C’est autour de ces questions et de quelques propositions :

 Comment e-administration, internet social, communication électronique et démarche participative sont ils aujourd’hui équilibrés ?

 Comment les acteurs locaux ont-ils leur mot à dire dans la déclaration d’une ville ?

que nous proposons aujourd’hui quelques éléments de réflexions.

Michel Briand, Frédéric Bergot ; Marc Legall ; Florence Morvan ; Elisabeth Le Faucheur Joncour ; Monique Montanari ; Aude Barthelémy, Pierre Yves Cavellat, Yffic Cloarec, Hakima Moussaid, Yves Tanguy

l’Observatoire des Télécommunications dans la Ville point de départ du travail brestois en réseau

C’est à la suite de l’implication de Brest dans l’Observatoire des Télécommunications dans la Ville (OTV) où Michel Briand animait le groupe de travail multimédia et vie dans la cité que Brest fut associée à ses débuts au jury de Villes internet, la ville n’étant pas alors candidate. Ce groupe de travail de l’OTV, financé par France Télécom, alors entreprise publique a joué pendant plusieurs années un rôle d’information des élus locaux par la publication de ces guides. Il a ainsi accompagné le passage des villes du minitel au monde de l’internet et du multimédia. « Multimédia dans la ville », « accès public accompagné », « portail d’accès aux droits », « logiciel libre », « prise en compte des publics éloignés », « participations et internet » ont donné lieu à la publication de guide et à des ateliers dans de nombreuses rencontres dont celles annuelles de l’Observatoire au CNIT.

La privatisation de France Télécom a mis fin à ce lieu de mutualisation, qui à Brest, nous a beaucoup apporté par la rencontre d’autres initiatives de villes, départements ou régions. C’est à partir de l’échange d’expériences autour du guide sur l’accés public que s’est créée au lendemain des rencontres d’Autrans 2000, l’association Créatif [1]qui relie aujourd’hui de nombreux acteurs des dispositifs d’accès public accompagnés.

C’est au titre de cette expérience croisée avec une politique locale centrée à ses débuts sur les écoles et l’accés public que Brest a été associée au jury. Cela a ainsi permis de mettre en valeur l’importance de l’accés public dans les critères de Villes internet [2]. Et au fil des années l’action locale sur l’appropriation sociale se développant à Brest nous avons été sollicités pour candidater, en nous retirant l’année suivante du jury.

Brest et internet

Brest n’a jamais été une ville 5@ comme d’autres villes portées par un engagement plus global en matière de nouvelles technologies. Et aujourd’hui encore l’innovation y est locale plutôt autour de l’appropriation sociale, que de l’e-administration, des pratiques coopératives plutôt que d’un projet d’ensemble.

Brest avec son environnement militaire (principal port militaire en France, arsenal, industrie de défense autour de Thalès ...) n’est pas des villes qui se veulent cité numérique. La démarche y est née d’une volonté de prise en compte des inégalités d’accès. En Bretagne où la scolarisation et la place de l’éducation des jeunes est importante, l’équipe municipale a très vite soutenu la mise en réseau des écoles et un accès public de proximité s’appuyant sur le tissu des associations et des équipements sociaux de quartier.

Même si cela n’a pas toujours été facile [3] la municipalité a pris en compte les besoins d’accompagnement autour de l’appropriation sociale des technologies en créant un service qui compte aujourd’hui 7 personnes et des postes au sein des bibliothèques ou de structures associatives.

L’adhésion progessive du tissu associatif y est pour beaucoup rendant compte d’un réel besoin et d’une utilité sociale. Ces acteurs ont été sensibles à la démarche d’accompagnement qui ouvre des portes sans contraindre : il a fallu trois ans pour que certaines écoles demandent un équipement informatique et chaque année de nouveaux lieux souhaitent devenir « papi » point d’accès public accompagné [4] .

A côté de la nécessaire prise en compte du temps long des personnes et des stuctures la mise en place d’un appel à projet annuel déclinaison locale de celui de la Fondation de France nous a permis de prendre en compte l’innovation. Les projets proposés sont ainsi passés progressivement de l’accès vers les contenus, les usages et une plus grande proximité dans les quartiers et les associations.

La démarche brestoise est imprégnée d’un attachement particulièrement fort à Brest autour de l’écrit, de la lecture et de l’éducation populaire au sens large : rencontre annuelle des journaux de quartiers, carnets de voyage, ateliers de lecture-écriture au pied des tours, webreporters des lycées et quartiers, sites de co-publication, projet éducatif local par quartier tout cela se croise [5]

Et s’il y a un fil conducteur à la politique municipale de l’accès public accompagné, à l’écrit public, aux co-productions de contenus ne serait-il pas à rechercher dans les pratiques coopératives et de débat, dans les envies d’échanges en proximité entre personnes qui sont à l’oeuvre dans l’internet des réseaux ouvert et du logiciel libre ?

Cette orientation en faisant le choix de la proximité a moins investi le champ de l’e-administration. Brest comme d’autres villes y est confronté au changement culturel lent au rythme de l’évolution des personnes dans une culture de fonctionnement hiérarchique des services publics. Des innovations ont lieu comme le portail sur l’éducation, la cartograhie en ligne (cadastre, PLU et photos aériennes en contrat creative commons). Mais il reste beaucoup à faire pour qu’un habitnt puisse être accompagné dans chaque lieu des services publics. Entre le bureau d’information jeunesse, l’office des retraités, les bibliothèques et mairies de quartier et nombre de lieux associatifs impliqués dans le réseau des 65 papis et l’accueil à l’ANPE ou à la sous préfecture les situations sont très variables.

Jusqu’ici Villes internet rendait compte d’une diversité de choix d’orentations en associant dans son label innovation sociale et actions plus orientées information et services en ligne.

Des grilles de lecture qui divergent*

En remplissant le questionnaire 2005 nous avons perçu un décalage entre nos attentes et celles des questions de Villes internet. La multiplication des questions à choix multiples avec la réduction des espaces d’explication qualitatifs réduit le sens de l’action locale. Et le nombre de pages rendues en 2005 dans notre réponse a diminué par rapport à 2004 alors que nous avions plus de choses à donner à voir..

D’un côté en attribuant à Brest une @ de moins, le jury a pris acte de la baisse du total de points attribués par les étudiants au vu du questionnaire et de leur visite du site de la ville.

De l’autre il y a notre vécu, où l’action d’appropriation sociale s’est renforcée depuis deux ans, comme nous le relevons dans les évolutions suivantes :

 C’est la mise en place en 2004 du Centre de Ressources qui mutualise l’action sur les 65 papis brestois et les cybercommunes des 89 communes du pays de Brest avec la présentation d’un premier bilan le 7 novembre. La grande richesse de ce dispositif est sa prise en charge par les acteurs eux-mêmes : ce sont les animateurs qui définissent le programme et animent, selon leur compétence. Et cela produit 20 à 30 formations chaque semestre telles celles sur les outils libres ou l’animation de 4 séances d’introduction à la vidéo par l’ECM du Fourneau.

 C’est la multiplication des projets retenus dans l’appel à projet, plus d’une trentaine cette année (une vingtaine les années précédentes) avec de nouvelles initiatives touchant à la mémoire ouvrière, l’intergénerationnel et la mémoire des anciens, l’internet de quartier qui témoigne d’une avancée vers le souci d’une co-production de contenus

 Ce sont la dizaine d’initiatives nées depuis deux ans autour des vidéos de jeunes dans les quartiers et leur mutualisation au sein d’un logiciel de publication (développé en logiciel libre dans le cadre du centre de ressources). Et le doublement aussi en deux ans des jeunes des 2 lycées professionnels et du lycée classique de la cité scolaire de Kérichen impliqués chaque année dans le projet des trotteriou (200 élèves cette année).

 C’est l’émergence cette année de 3 projets de radios, associatif, de collèges et de quartier et la mise en place d’un cycle de formation à la prise de parole et aux technologies radios sur le web.

 Ce sont les formations à l’écrit public qui passent de la ville vers les quartiers et le relais assuré par les équipements de quartier et l’association infini.Ce sont la diffusion des pratiques de co-publication dans la ville avec 800 abonnés à la lettre hebdomadaire @-brest, une mise en ligne des écrits des conseils de quartier au sein des mairies de quartier, la généralisation des outils spip et wikis au sein des associations avec l’accompagnement du fournisseur local d’accès infini ...

 Ce sont les politiques d’évaluation qui donnent à voir un bilan quantitatif (le bilan des papis - frequentation, usages, animateurs - est paru l’an dernier) et qualitatif à travers les études menéees par le laboratoire des usages Marsouin et présentées à la cité des sciences le 15 novembre 2005.

 C’est le projet internet de quartier sur Kérourien où après deux ans d’EPN au sein de la cité d’habitat populaire de 1 500 habitants, naît un projet multiforme d’appropriation sociale impliquant les acteurs sociaux dans une quinzaine de micro-projets. Projet qui tisse un réseau d’échange avec d’autres acteurs ayant les mêmes préoccupations à Brest et ailleurs et en particulier des rencontres croisées sur le terrain avec l’internet de rue d’ATD quart monde.

 C’est l’ouverture aux cultures numériques qui associe dans un travail commun la grande diversité des acteurs issus des mondes de la vidéo, des télés locales, des journaux de quartier, des carnets de voyages, des associations auprès de personnes agées, des acteurs de l’internet associatif à travers la rencontre écrits-ecrans publics et du forum des usages cooépratifs (le premier en juilet 2004 sur l’écrit public, le second en juillet 2006 sur la co-production de contenus).

 Et enfin c’est l’initiative du bureau libre qui a permis de co-produire en 3 mois un CD de bureau de logiciels libres avec l’association Free-eos et les associations locales. D’un tirage initial de 3 000 exemplaires, la demande locale est passée à plus de 10 000. Mais l’essentiel est dans l’appropriation locale qui produit une diffusion multiforme : chaine de copie à Kerourien, prêt de centaines de CD dans les bibliothèques, diffusion à tous les lycéens de Vauban, à chaque étudiant de première année à l’UBO ... Derrière cette initiative ce sont toutes les questions des formats ouverts, des biens communs (contenus en creative commons, art libre ... ) de rendre public ce qui est public qui s’ouvrent au débat.

Chacun des ces domaines de l’appropriation sociale est pour nous en progression.

Voilà pourquoi nous constatons la divergence avec la grille de lecture de Villes internet qui nous perçoit en recul.

Questions ouvertes

Pour avancer un peu plus loin dans l’explication et la compréhension des différences de lecture je reprendrai des propositions en parties émises lors d’un débat l’an dernier sur les listes "appronet" et "ait" :

  Connaître les poids respectifs des différents axes : quelles places respectives à l’e-administration, l’information par le site web, la publication autonome dans la ville, l’équité d’accés par les lieux d’accès publics et les écoles, l’appropriation sociale au sein des associations et des quartiers, la consultation, l’écoute des habitants et les démarches de co-production ?

 Est ce que les membres du jury ont une connaissance de la réalité des actions locales ? aussi bien la pertinence des déclarations de la ville que l’existence de projets au coeur de la ville et de sa vie associative ? On peux penser que leur expérience les amène à croiser les acteurs locaux et à se faire une opinion mais pourquoi ne pas publier les réponses des villes et assurer ainsi une transparence de l’action publique dite et réalisée ? Nous avons trop connu des manifestations placées sous le signe de la réduction de la fracture numérique sur des territoires ou aucune action significative n’était engagée parmi les quartiers d’habitat social, les populations les plus pauvres ou en grand isolement.

 Il est important dans une démarche participative d’avoir un retour des acteurs locaux . C’est à la fois un autre point de vue qui s’exprime et un retour sur la réalité des actions dites. Comment savoir si au delà d’un service offert sur le web les habitants éloignés de l’internet sont accompagnés dans la mairie, la bibliothèque ou la maison pour tous de leur quartier ? La ville est souvent un acteur qui joue un rôle d’animation, elle ne fait pas tout elle-même, elle accompagne. Quelle réponse les associations trouvent à leur demande de formation, d’usage accompagné ? Comment les besoins des animateurs des lieux d’accés publics sont-ils pris en compte ? Pourquoi ne pas ouvrir des forums associés aux réponses qui enrichissent le débat comme le permettent les système de publciation comme spip ou les wikis ?

C’est autour de ces 3 propositions qui permettront l’affirmation des orientations, une transparence de ce qui est déclaré et un retour des acteurs locaux que nous proposons de poursuivre le débat sur le label villes internet.

En pièce jointe la réponse de Brest en 2004, nous n’avons pas de version de la réponse 2005 faite en ligne.

Quelques articles permettant de mieux observer la politique Brestoise

 La carte des 750 incrits au réseau @-brest

 Le centre de ressources à l’accès public :

 Ecrit Public : la rubrique

 les projets multimédia

 Les wikis des projets coopératifs en bas de la page d’accueil @brest :

et quelques autres intitiative en cours

 Le forum des usages coopératifs

 L’accès public a 5 ans ? quelques pistes pour les deux trois années à venir à partir de l’expérience des papis brestois

 La galerie de portaits des papis :

 Ateliers pour les animateurs multimédias : le programme 2005 du centre de ressources et d’autres articles pour chaque semestre ...

 Favoriser l’accés à internet : deux études de Marsouin sur Brest et les cybercommunes

 Evaluation du dispositif d’accès public à Brest : Analyse et propositions

 Propositions d’évolution pour les PAPI du dispositif d’accès public, à Brest

 Le bilan du projet Visio jeunes

 La ville de Brest participe à différents réseaux

 Le CD Bureau libre Free-EOS

 La ronde des sites coopératifs au pays de Brest

 Le portail des associations

 Le portail, éducation

L’adresse originale de cet article est https://www.a-brest.net/article1918.html

[1http://www.creatif-public.net association qui à son tour publie des guides selon une méthodologie proche.

Le Guide pédagogique N°1 : L’accueil adapté des personnes handicapées dans un Espace Public Multimédia : (]épuisé en version papier)

Le Guide pédagogique N°2 : Comment toucher et intéresser les publics les plus éloignés ?

le troisième en préparation concerne les logiciels libres dans l’accés public

[2Initialement le nombre d’élus ayant un e-mél pesait par exemple deux fois plus que l’accès public

[3initialement, il n’y avait ni budget ni service autour de ces questions et dans toute équipe de collectivité locale, ouvrir un nouvel axe est difficile quand les règles sont plutôt traditionnellement au maintien ou à la réduction des enveloppes budgétaires antérieures

[4tels cette année le secours populaire, le centre breton d’art populaire, l’association Défi Visu (prise en compte des mal-voyants) ou le centre d’art associatif Passerelle

[5c’est le sens de la rencontre écrits-ecrans public donner à voir, relier ces multiples initiatives : Brest les 25 et 26 janvier