Contribution à un Internet participatif Interveiew publiée en mai 2005 par le revue Terminal

, par  Michel Briand , popularité : 15%

La rédaction de Terminal a rencontré Michel Briand, acteur de l’Internet participatif, adjoint au Maire de Brest et directeur adjoint de la formation à l’ENST Bretagne.

Nous nous sommes intéressés à son implication dans des réseaux visant à l’appropriation sociale d’Internet et à sa pratique de construction de l’information comme un bien public collaboratif.

Entretien avec Michel Briand

mené par Thomas Lamarche, mai 2004

Cet entretien fait partie d’une série d’articles sur les enjeux sociaux d’internet paru dans le numéro de mai de la revue Teminal

Thomas Lamarche Peux-tu nous donner quelques éléments pour situer le cadre de ton action ?

Michel Briand Ma délégation à la ville de Brest s’intitule "démocratie locale, citoyenneté et nouvelles technologies" . Elu pour la première fois en 1996 dans le cadre d’une majorité alliant les verts le PS et différentes composantes de gauche j’ai été réélu avec la même délégation en 2001. Au volet démocratie locale, difficile à mettre en œuvre lorsqu’elle n’est pas l’expression d’une volonté forte partagée j’ai souhaité adjoindre le champ des nouvelles technologies. De fait, la démocratie locale à Brest est un champ délicat, sans moyens humains d’accompagnement et jusqu’à présent très contrôlé ndr hors le champ des conseils de quartier qui avec l’implication des maires adjoints de quartiers et des mairies de quartiers, s’est développé depuis la date de cet entretien voir participation-brest .

Aussi ai-je investi les nouvelles technologies comme espace d’initiatives. L’appropriation sociale des usages et des outils d’Internet était un champ neuf, moins marqué politiquement et donc plus ouvert. J’ai eu aussi la chance de pouvoir relier l’action locale sur Brest puis sur le pays de Brest et la Bretagne[1] tout en participant à des groupes de travail au niveau national comme l’observatoire des télécommunications dans la ville (OTV) ou l’association des villes câblées et multimédia (Avicam). Depuis deux ans j’anime le groupe « technologies de l’information » de l’association des communautés de communes du pays de Brest qui a notamment produit le centre de ressources coopératif des 80 lieux d’accès public[2]. Durant ce mandat, je suis aussi représentant de la communauté urbaine au syndicat mixte Mégalis qui fournit l’accès Internet rapide à 150 000 utilisateurs du service public en Bretagne. J’y ai pris la responsabilité de la commission usages à laquelle sont inscrites 150 personnes.

Dans ce second mandat d’élu local, l’espace sur la citoyenneté et la participation s’est élargit avec la mise en place des conseils de quartier.[3]

Aujourd’hui la dynamique d’Internet réseau public d’échanges interagit avec les axes citoyenneté et démocratie locale et donne une cohérence, mais je suis plus présent au niveau des réseaux d’acteurs et sur l’appropriation.

La place centrale des échanges de pair à pair n’est pas comprise par les grandes institutions

Thomas Lamarche En tant qu’acteur d’Internet, d’un Internet citoyen, quelles sont pour toi les grandes innovations ? .

Michel Briand Le point qui me semble important c’est qu’Internet et le multimédia sont des réseaux d’échanges, qui n’ont pas besoin de fonctionner de manière centralisée. Ils relient des initiatives locales et permettent travail en réseau, débat public, expression des « acteurs ». Et, si on le souhaite, ces réseaux élargissent le bien public.

En regardant l’histoire d’Internet depuis l’invention du réseau entre les ordinateurs pour envoyer des courriers électroniques, puis l’invention du web, ce sont les échanges entre personnes qui ont des connaissances à partager, des informations à communiquer qui font avancer Internet. Aujourd’hui, contrairement à toutes les prévisions ce sont les échanges de fichiers de pair a pair qui occupent 50 % du trafic sur Internet et non l’achat de films dans une logique privative telle que celle de Microsoft.

Dans quelques années la téléphonie sur Internet, l’image sur Internet vont probablement exploser, encore une fois dans le cadre des échanges de personnes à personnes. Globalement ce système d’échanges en réseau est incompris des décideurs politiques et industriels. France Télécom et Vivendi ont investi pour acheter « du vent » pour acheter des clients virtuels sans analyser le développement des usages. Le Conseil d’Administration de France Télécom, (où l’état est majoritaire) a fait perdre des dizaines de milliards de francs à l’Etat et au développement des services publics en France.

Aujourd’hui il y a toujours ce décalage entre les pratiques des jeunes sur Internet, les développements des logiciels libres, de la publication sur Internet et l’infrastructure de la recherche publique ou privée. Il est difficile d’expliquer aux responsables des institutions qu’une association de bénévoles comme Tela-botanica produit en quelques mois un index synonymique des plantes que le Muséum ne sait pas produire en quelques années ; qu’une encyclopédie comme wikipédia puisse être co-écrite par des centaines de personnes ; qu’un élève de première année de l’ENST Bretagne anime un site de vulgarisation scientifique qui a 1,5 million de pages lues en janvier 2004[4].

Thomas Lamarche On se trouverait donc au cœur de mouvements d’innovations ou d’initiatives qui viennent d’individus. Est-ce que cela renouvelle franchement « le politique » qui est plutôt centralisé, en tout cas en France ? .

Michel Briand L’impact est très modeste. Les réseaux Internet sont structurés par des envies d’échanges entre personnes, entre groupes. Mais ce n’est pas parce que les gens échangent de la musique, des images ou créent une communauté sur des randonnées dans les Alpes que cela va radicalement transformer la société. Ce mouvement peut avoir une portée politique si on organise, on facilite les échanges, dans un sens d’accès aux savoirs, de partage des connaissances, de coopération, de lien social, mais aujourd’hui ce projet n’est porté par aucun parti ou syndicat.

On attendrait des partis politiques chargés de donner du sens, d’infléchir l’avenir qu’ils accompagnent cette émergence de nouveaux biens communs. Distribuer un traitement de texte en logiciel libre, donner accès aux savoirs ouverts, ne coûte presque rien en pétrole, en redevance puisque le coût de la copie numérique est presque nul. Pour une fois que la croissance peux être démultipliée, distribuée à tout un chacun, ne détruit pas l’environnement on pourrait attendre un magnifique projet des politiques ...Mais les universités de la communication d’Hourtin sont d’abord un lieu de discours et non d’échange de pratiques, la délégation aux usages comme l’ancienne mission interministérielle à l’accès public ne disposent d’aucun moyen et la Caisse des Dépôts et Consignation mets sous clé d’accès les ressources payées par de l’argent public de son centre de ressources...

La portée politique c’est pourtant considérer que le travail en réseau, au sein de communautés est plus efficace que de travailler chacun de son côté ou « faire confiance au privé » et de payer des droits de licences. Si les collectivités locales ou les administrations publiques faisaient le choix d’un développement coopératif sur le logiciel libre, cela aurait un impact considérable sur l’organisation des sociétés de logiciels en France qui au lieu de vendre des produits sous licence vendraient des services. Avec le numérique reproduire une carte, un texte, un logiciel, n’a plus de coût de fabrication, d’autres modèles économiques sont à inventer lorsque des dizaines de millions de personnes échangent chaque jour des fichiers persuadées que le coût de vente d’un CD ou DVD n’est pas raisonnable.

Le point qui fait réellement défaut c’est que la plupart des élus n’ont pas compris que dans le domaine du développement des biens numériques, le développement coopératif ouvert est plus économique et plus efficace. Non seulement il produit des richesses librement distribuables mais il est aussi facteur de reconnaissance en respectant le droit d’auteur et en valorisant l’apport de chacun. La toile téla-botanica permet aussi aux botanistes du Vaucluse de rencontrer ceux du Finistère lorsqu’ils se déplacent et les réseaux sont autant d’occasions de rencontres.

Les élus sont en retrait sur la place politique à accorder aux TIC

Thomas Lamarche Y aurait-il un blocage idéologique de fond ou bien d’autres points comme l’incompréhension, le désintérêt ?

Michel Briand Je pense que les deux éléments sont présents. Beaucoup d’élus et de « décideurs » ne comprennent pas les enjeux économiques et politiques d’une coopération en fait la majorité. Il y a un choix politique d’un développement marchand avec l’illusion qu’il serait seul créateur de richesse.

C’est la droite européenne qui cherche à breveter les logiciels au parlement européen. Les partisans d’un système purement libéral étant majoritaires, la loi aurait dû passer. Cependant tout un travail d’informations, de discussions menées par des associations du logiciel libre ont permis le rajout d’amendements qui ont limité grandement la portée de la loi. On a donc réussi globalement à freiner un virage trop fort en faveur du brevetage du logiciel.

Pour autant il y a très peu de pays dirigés par la gauche qui ont fait le choix de passer du logiciel marchand au logiciel libre pour les services publics. Les villes qui ont fait ce choix sont-elles aussi très peu nombreuses.

Pour ce qui est de l’usage des outils bureautiques libres j’ai proposé une métaphore des couleurs :

 une ville noire est une ville où l’usage d’un navigateur, d’un traitement de texte libre est interdit sur le poste de travail (parce qu’en général la direction informatique interdit le télé-chargement et que ces logiciels ne font pas partie des produits maintenus, généralement ceux des monopoles américains) ;

 une ville grise est une ville où l’usage est possible mais où l’utilisateur est prié de se débrouiller tout seul, parce que ces outils ne sont pas ceux conseillés par la direction informatique ;

 une ville bleue est une ville où l’alternative des logiciels libre est accompagnée, les économies de licence étant réinvesties dans la formation et l’accompagnement des utilisateurs ;

 et enfin les rares villes vertes sont celles qui comme Munich ont fait le choix de la mutation du système d’information vers les logiciels libres

Mettre cela sur une carte rendrait compte du mouvement en faveur du libre qui émerge actuellement. Et pourquoi ne pas faire ensuite la même cartographie pour les écoles, collèges, lycées, les services publics locaux ou ceux de l’état...

Thomas Lamarche On était sur les questions des logiciels libres où il y a un choix qui peut venir du politique ; mais plus largement, comment envisages-tu l’usage d’Internet dans la logique participative qui est la tienne

Michel Briand Je pourrais donner quatre exemples qui vont porter sur quatre points qui me tiennent à cœur.

D’abord dans le même esprit que le logiciel libre le premier principe est celui de l’ouverture des ressources publiques. Pourquoi avec la facilité d’usage du multimédia ne pas rendre public ce qui est financé par de l’argent public : les publications scientifiques, les supports de cours [5], les données de l’INSEE, les études d’urbanisme...

C’est un principe fondamental qui devrait guider la puissance publique. Les connaissances, les contenus qui sont issus de l’argent public doivent être accessibles à tous...

Autre exemple, aujourd’hui des dizaines de régions et de départements ont commandé de nombreuses études sur ce que l’on appelle l’aménagement numérique du territoire. Elles sont souvent restées entre les mains de quelques dizaines d’élus ou de décideurs locaux. Cette privatisation de fait permet à nombre de prestataires de revendre un travail très proche sur un autre territoire. Mettre en ligne les résultats d’une étude dès qu’elle est financée par de l’argent public permettrait lors d’une deuxième étude de pouvoir identifier ce qui est commun avec la précédente étude et favoriserait le paiement d’un travail réel.

Troisième aspect, si ces éléments sont publics, n’importe qui peut y avoir accès. Cela ouvre la possibilité de contre-expertises d’usage qui réfutent, proposent, amendent. Même si cela paraît plus difficile au début, cela légitime en fin de compte le politique dont les choix s’appuient alors sur des arguments et non pas sur des décisions en huis clos.

Et quatrième thème que j’essaie de développer actuellement : rendre public les informations c’est aussi avancer vers des intérêts communs sur un territoire. Par exemple, aujourd’hui, dans votre ville est-ce que le projet d’école, de collège, de lycée de vos enfants est public ? Est-ce que quelqu’un qui arrive dans le quartier peut accéder au projet pédagogique ? Dans une démarche participative, rapprocher le projet de la Maison pour tous, du Centre social, de la bibliothèque, de l’école peux créer des passerelles entre projets, entre personnes qui habitent un même quartier, mais ne se connaissent pas toujours.

Je crains que dans 90 % des cas, les documents de l’école publique comme les cours d’une université ne soient privés. Est-ce légitime de continuer de faire comme s’ils appartenaient aux administrations...?

On peut concevoir l’information comme un bien public au niveau le plus local

Thomas Lamarche C’est donc à l’action publique à chaque niveau de compétence de redéfinir, presque en permanence, la nature du bien public. L’enjeu c’est la nature publique de l’information, de la connaissance ? (la notion de bien public est souvent invoquée, mais peut-être devrais-tu profiter de ta question pour la préciser et la recentrer dans le cadre de l’utilisation qui en est faite ici)

Michel Briand A chaque mutation de société, nous avons besoin de redéfinir les contours de ce qui est un bien public et de ce qui relève du commerce marchand. Prenons l’exemple de la « loi littoral » : à un certain moment on a considéré que le littoral était un bien commun et on a mis des garde-fous au bétonnage des côtes. A un moment donné, on dit aussi communément que la mer appartient à tout le monde, qu’il faut poursuivre les bateaux qui dégazent chaque jour au large de Brest [6]. Ainsi, porté par une opinion publique excédée du comportement des voyous des mers, l’état et sa marine en arrivent à faire ce que l’on attend d’eux depuis des années : assurer la protection des côtes et imposer une réparation aux responsables. C’est l’expression devenue majoritaire que "cela suffit", qui ramène la mer dans le bien public.

Prenons un autre exemple : Est-ce que la production musicale doit rapporter de l’argent essentiellement à Vivendi ou à d’autres multinationales ? Comment assumer les rémunérations des auteurs et des différents acteurs et faire en sorte que cela leur appartienne ? Aujourd’hui les grandes fortunes musicales sont toutes basées sur des reproductions d’œuvres publiques qui créent une richesse colossale. A qui doit appartenir cette richesse ?

Thomas Lamarche A travers l’expérience menée à Brest trouves-tu qu’Internet serve effectivement d’outil pour la démocratie participative et fait avancer le politique ?

Michel Briand Aujourd’hui le rôle et la place d’Internet en France dans l’action politique sont très faibles. Le seuil de 30 ¨% d’internautes n’est atteint que depuis quelque mois. La majorité de la population n’a pas encore accès à Internet. Le besoin immédiat se situe encore autour de l’accès à l’information. En ce qui concerne Internet et la vie politique, globalement je ne pense pas que cela ait un impact important parmi la population.

Par contre ce qui avance et ce qui va avancer vite c’est l’appropriation d’Internet par des acteurs locaux. Je pense au milieu associatif, aux écoles. A travers Internet se crée un usage qui peut renforcer l’esprit coopératif, mutualiste. Cela favorise la diffusion des informations, à condition qu’il y ait accompagnement par le politique.

Prenons l’exemple de l’appel à projet brestois [7] qui soutient chaque année 20 à 30 projets. Une somme modeste (15 ct d’euro par habitant) permet l’éclosion de micros initiatives très variées facteurs d’inclusion sociale et technologique.

Autre exemple : le projet écrit public[8]. Partant de la disponibilité d’outils simples pour publier sur Internet et donner à voir ce que l’on fait, nous avons initié un dispositif de formation à l’outil puis d’accompagnement à l’écrit (écrire une brève, faire un portrait, réaliser une interview, titrer un article...) Cela permet à l’association qui présente une activité d’être lue sur le WEB et d’avoir la chance de rencontrer quelqu’un qui fait la même chose, dans le quartier voisin, dans la ville à coté. Cela permet aux questions qui font débat d’être portées publiquement. Dernièrement un site a été créé autour du refus de la fermeture d’un collège. En l’espace d’une semaine plusieurs dizaines d’articles sont parus, paroles de parents, d’anciens élèves, d’habitants du quartier. Tous ces propos ont abouti à un melting pot qui montrait à tout le monde, à la fois à ceux qui l’utilisaient mais aussi à l’extérieur, la diversité des soutiens.

On voit apparaître un mouvement où des personnes prennent plaisir à écrire et aujourd’hui la cinquantaine de sites de ce type donne une image de la richesse des publics et des pratiques, de la diversité des uns des autres, des populations qui s’y expriment.

Je pressens, mais c’est de l’ordre de l’intuition, que cet écrit public est un vrai enjeu. L’imprimerie a permis à d’autres personnes que quelques rares privilégiés d’écrire et de lire... Ce mouvement de publication sur Internet permet à des personnes ordinaires, des associations ordinaires qui ont des choses à dire de donner à voir et d’être lues. Pour donner un ordre de grandeur, un site sur « le théâtre et les arts de la rue » à Brest atteint aujourd’hui 3 000 visites par jour, le magazine des élus Verts, tout petit groupe local, réussit en associant une trentaine de rédacteurs à cumuler 3 000 lectures par semaine[9].

Lorsque des personnes savent fédérer, mutualiser, regrouper d’autres personnes sur un projet, se forment des dynamiques de créations collectives qui ouvrent des espaces de production collective de biens communs.

On objecte souvent qu’Internet c’est le « foutoir » qu’il y a trop de choses sur Internet, que l’on n’arrive pas à trouver ce que l’on cherche. Je me demande si derrière ces propos, il n’y a pas aussi la crainte que la parole de l’élu, perde sa place d’expression privilégiée dans la cité et la presse locale. Sur le Web quand une personne publie, elle se retrouve à égalité en terme d’expression avec des tas d’autres gens. Les sites qui fonctionnent sont les sites qui ont des contenus, où l’on trouve des choses intéressantes plus que les sites vitrines. Derrière l’incompréhension et les difficultés de perception de ce projet je me demande s’il n’y a pas cette crainte d’un monde trop ouvert.

Usages formatés ou incertains ?

Thomas Lamarche Etes-vous avancés sur des projets plus lourds types budget en ligne, voire budget participatif en ligne ?

Michel Briand Comme je l’indiquais au début, la démarche participative avance doucement à Brest. Au moment de la mise en place des conseils de quartier, nous n’étions que 2 élus à défendre les budgets participatifs.

Alors j’essaie d’avancer d’abord sur ma délégation aux nouvelles technologies. Nous avons ouvert un site participatif @-brest[10] qui essaie d’impliquer les acteurs de l’Internet coopératif. Une partie du budget est affectée à l’appel à projet et soutient les initiatives qui émergent.

Un centre de ressources coopératif vient d’être monté pour relier les 80 lieux d’accès public du pays de Brest avec un financement mutualisé entre acteurs locaux. Le projet a été bâti en reliant les besoins exprimés par les animateurs aux compétences des lieux d’accès public : tel animateur compétent en vidéo prendra en charge des formations, tel autre sera un relais pour la mise en place d’outil.

L’idée d’une commission participative pour coordonner la politique d’appropriation des nouvelles technologies a été proposée.

Je compte sur l’exemple pour convaincre mes collègues : la pratique des comptes rendus en ligne, la publication ouverte des initiatives... Tout cela accélère la diffusion et l’appropriation d’Internet et favorise notre objectif d’équité d’accès et développe l’écrit public. Et cela sans provoquer de conflit de pouvoir ou d’intérêt.

Et cette année deux autres sites se sont ouverts sur la participation des habitants et le projet éducatif local.[11]

Thomas Lamarche Quand on évoque Internet et la politique tu pars sur le local et la démocratie participative, mais tu évites les allusions aux partis. Quel est ton regard sur Internet dans la campagne électorale ?

Michel Briand Je ne constate pas beaucoup d’apport d’Internet dans l’expression des partis. La plupart des sites sont consacrés aux communiqués de presse et fermés sans possibilité pour un adhérent ordinaire de publier.

Les réseaux permettent des discussions mais combien de textes de programme sont soumis au débat des militants, confrontés aux acteurs de la société civile ?

L’écrit sur Internet ne coûte presque rien et pourrait être riche des bilans de milliers d’actions des mairies, conseils généraux ou régionaux : combien d’évaluations des politiques publiques locales sont en ligne ?

Les partis, tournés vers le pouvoir politique et la conquête de places sont peu ouverts à des démarches participatives. Internet n’est qu’un outil il n’est pas en soi participatif.

Son usage n’apportera que de meilleures performances techniques de diffusion à celles et ceux qui n’adhérent pas à des démarches coopératives et participatives. Aujourd’hui son usage comme réseau d’échange, de mutualisation reste limité dans la plupart des fonctionnements politiques.

Thomas Lamarche un moment que tu évoques l’idée de dé-hiérarchisation, c’est peut être cela qui inquiète le politique. Tout le monde ayant la parole, l’élu est au même niveau que le citoyen. Evidemment ça change un peu la vision centralisée, pyramidale du parti. Cela me fait penser au mouvement altermondialiste dont l’idée centrale est l’horizontalité. Il s’agit alors de transformer la façon de faire de la politique non en prenant le pouvoir mais d’abord dans la discussion et la prise de conscience qui est centrale dans la dynamique du forum social mondial.

Michel Briand C’est effectivement une démarche à laquelle j’essaie d’être fidèle dans la lignée de mes premiers engagements au Larzac, contre les marées noires, dans les collectifs d’information locaux sur le nucléaire (CLIN). J’y ai appris la capacité d’autonomie de ces structures capables d’animer un mouvement d’opinion en donnant un sens partagé.

La mobilisation contre les multiples lieux d’implantation d’une centrale nucléaire en Bretagne a d’ailleurs été une de mes premières expériences de travail en réseau avec les 100 comités locaux du Finistère qui ont réussi sans parti politique et syndicat à rassembler 100 000 personnes deux années de suite à la Pointe du Raz à l’image du rassemblement du Larzac.

Thomas Lamarche Et pour finir à dix ans, selon toi où vont les pratiques d’Internet en politique ?

Michel Briand Les pratiques par les politiques ou en politique ne me semblent pas le premier enjeu.

L’accès public accompagné reste aujourd’hui une question d’actualité lorsque plus de la moitié des français n’utilise pas Internet[12]. Comment peut-on parler de réduire la fracture numérique avec 3 000 lieux d’accès public en France - soit un pour 20 000 habitants ? Et l’exclusion de celles et ceux qui n’ont pas accès sera perçue comme de plus en plus forte au fur et à mesure de la diffusion des usages et des services.

Utiliser ou pas le mel, le web il y a 5 ans, avec 10% d’internautes avait peu de conséquences, ne pas accéder à l’information, aux connaissances, aux services, aux métiers associés à ces outils sera beaucoup plus lourd pour les non-internautes lorsque les 2/3 de la population en aura un usage courant comme cela commence à être le cas dans certains pays.

Le premier enjeu des 10 prochaines années est cette exclusion par le numérique qui va encore plus mettre de côté des groupes sociaux déjà fragilisés. Et au-delà des discours une politique d’inclusion en France reste complètement à créer.

A mon échelle c’est autour de l’écrit public et des débats associés que se trouvent les chantiers : rendre public ce qui est public ; favoriser l’expression de celles et ceux qui sont éloignés de l’écrit et de la parole publique ; étendre les biens communs ; conforter l’usage des logiciels libre ; réfléchir aux modes d’organisations et de coopération entre associations et dans le secteur public en s’appuyant sur un aménagement numérique équitable des territoires... Il y a largement de quoi occuper les 10 années à venir.[13]

 [1] Voir par exemple : http://www.megalis.org/usages

 [2] Axes, acteurs et productions du centre de ressources

 [3] Voir par exemple le site participation qui relate initaitives des habitants et vie des conseils de quartier : http://www.participation-brest.net

 [4] Telabotanica, littéralement toile des botanistes est un réseau coopératif présidé par un bénévole, Daniel Mathieu et qui relie 2 000 botanistes francophones autour de dizaines de projets : http://www.tela-botanica.org/

.

Wiki pédia est une encyclopédie libre utilisant l’outil coopératif wiki :

Le portail de vulgarisation scientifique futura-sciences :

 [5] Les ministères successifs de l’éducation nationale ont incité les enseignants à commercialiser leur réalisations pédagogiques en ligne et subventionnent les projets de formations à distance mises sous clé d’accès payantes.

 [6] Et ailleurs ... mais du fait des marées noires successives et du trafic devant la pointe de Bretagne (70% de la navigation du nord de l’europe passe devant Ouessant) un collectif Mor Glas revendique un contrôle des navires tant du point de vue des équipages que de l’état et de l’entretien des navires.

 [7] Appel à projet inspiré de celui de la Fondation de France sur les usages associatifs auquel je participe en tant que membre du jury. L’appel à projet brestois :

 [8] En ligne une dizaine de briques de formation utilisées pour diffuser l’écrit public. Depuis ce printemps une formation par semaine est proposée pour faciliter l’accès aux associations et structures de quartiers.

 [9] Le site du Fourneau ; voir aussi

qui relie écrit et théâtre de la rue dans les communes du pays de Morlaix :

relie la cinquantaine de sites brestois avec un pointeur vers les 150 sites associatifs hébergés par l’association brestoise infini.

 [10] Le site http://www.a-brest.net ouvert à l’automne compte aujourd’hui 800 abonnés à la lettre de diffusion hebdomadaire, une carte donne à voir la densité des inscrits pour chacune des communes du pays de Brest et permet de diffuser à d’autres réseaux les informations sur les initiatives au pays de Brest.

 [11] Http://www.participation-brest.net est animé par la personne en charge de la citoyenneté et par les techniciens des mairies de quartier qui suivent les conseils de quartier et qui se sont tous formés à publier sur Internet avec un intérêt certain.

Le site du projet éducatif local permet un accès aux initiatives et fiches projet de chaque quartier.

 [12]Je reste engagé dans cet accès public au sein du réseau Créatif des dispositifs d’accès public dont Brest va assurer la présidence de l’association.

 [13] En commençant par une rencontre des acteurs des usages coopératifs proposée à Brest du 7 au 9 juillet 2004

Sommaire de la revue de Terminal

numéro 92 - Printemps 2005

 Editorial : Feue la loi informatique et libertés Jacques Vétois

Dossier Internet et politique

Introduction : La domestication d’internet dans le jeu politique ?

 Coordination éditoriale : Thomas Lamarche et Bruno Villalba

Internet en campagne : une pratique professionnelle

  • Au delà de la technique : l’introduction d’internet dans le répertoire de mobilisation électorale de candidats en campagne. Le cas des élections législatives de juin 2002 par Nicolas Benvegnu
  • L’Internet, un nouvel outil de la mobilisation politique en Corée du Sud par Ilkwon Sung
  • TIC et les Verts : apprentissage, appropriation, politisation par Bruno Villalba

De nouvelles normes pour le politique ?

  • Cyberdémocratie ou fin du politique ? par Félix Weygand
  • Quel modèle d’analyse pour le développement d’Internet en Hongrie ? par Róbert Pinter
  • L’informatisation de la société marocaine : analyse rétrospective d’un discours prospectif par Abdelfettah Benchenna
  • Le développement du vote électronique en France : normes sociotechniques, logiques commerciales et enjeux industriels par Marin Ledun

Vers un Internet participatif

  • Contribution à un Internet participatif. Entretien avec Michel Briand
  • Repenser le gouvernement électronique. Les réseaux citoyens en Italie par Mariella Berra
  • La concertation pour les Plans de Déplacements Urbains sur les sites Internet : le sens de la participation citoyenne par Stefan Bratosin

 Multimédias

Penser notre relation à la machine (plutôt que nous penser comme des machines) par Denis Berthier

 Travail

L’informatisation comme outil de contrôle et de surveillance de la productivité des organisations de soins et du travail médical au Québec par Luc Bonneville

 Bloc-notes