Pourquoi j’utilise Creative Commons : interview de Catherine Guevel Animatrice de Médiablog dans les lycées en Bretagne

, par  Michel Briand , popularité : 5%

Sur le web, les questions de droits d’usage sont mal connues.

Par défaut le contenu d’un site ne peut pas être recopié et réutilisé. Sauf mention explicite l’autorisant, les sites publics produits par des acteurs publics ne peuvent pas être réutilisés en citant simplement l’auteur, le site et la licence des contenus.

Pourtant beaucoup d’auteurs de blogs associatifs, de personnels, ou de collectivités sont favorables à un accès élargi à la culture et à la connaissance.

Pour faciliter la compréhension des enjeux, diffuser les pratiques qui élargissent les libertés nous avons créé un portail, répertoire de ressources sur les licences Creative Commons et la réutilisation de contenus

 [1]. s’enrichit petit à petit de nouvelles ressources.

Nous entamons ici une série d’interviews visant à faire connaître des pratiques de personnes qui font le choix d’encourager ces droits d’usages élargis.

Michel Briand, élu à la ville de Brest

Pourquoi j’utilise Creative Commons sur mon site ?

Interview de Catherine Guével, animatrice du Médiablog des lycées en Bretagne.

1) Tout d’abord peux tu présenter le Médiablog ?

Le Médiablog

Ouvrir un médiablog, cela signifie créer très vite une WebTV, une Webradio ou une photothèque sur laquelle chaque membre de l’association peut publier. Afin de faciliter le partage, la publication se fait par défaut sous licence Creative Commons. Depuis 2006, 3 projets différents se sont développés autour de cet outil :

 Le projet « Médiablog en Pays de Brest », impulsé par la Ville de Brest et la Région Bretagne depuis 2006, recense environ 70 blogs. Il permet à des associations, collectivités et établissements scolaires, de créer, publier et maîtriser la diffusion de leurs vidéos, sons, photos, animations et documents en pdf.est une plateforme de blogs dédiée à la publication multimédia et au travail coopératif.

 L’expérimentation « Médiablog dans les Lycées » menée par la Région Bretagne en partenariat avec le Rectorat d’Académie depuis 2009, est coordonnée par la Ville de Brest. Une trentaine de Médiablogs de collèges et de lycées ont développé des usages pédagogiques variés et très riches, autour de projets de classe ou d’établissement, fruits de travaux coopératifs entre enseignants et élèves. L’objectif est d’étudier l’intérêt pédagogique d’un tel outil de publication pour les Espaces Numériques de Travail.

 Morlaix agglomération ccompagne également une dizaine de Médiablogs sur son territoire depuis 2010. Il s’agit d’associations, de collectivités, d’écoles et de collèges ).

2) Pourquoi proposer une licence Creative Commons aux personnes qui ouvrent un blog audio-vidéo ?

Les publics associatifs sont parfois fort éloignés des usages du web. Conscients de leur manque de connaissance dans ce domaine un peu technique, ils sont cependant très désireux de s’informer en matière de droit d’auteur et souhaitent choisir une licence qui permette de diffuser largement les documents qu’ils publient. Les licences Creative Commons représentent donc un réel intérêt pour elles.

Pour les associations qui travaillent avec des enfants, la création d’un Médiablog est un réel soulagement. Il leur permet de cesser d’utiliser des plateformes commerciales comme Dailymotion, YouTube ou des blogs porteurs de messages publicitaires. C’est une première étape dans la maîtrise de leur publication web, en même temps qu’un moyen de valoriser le travail réalisé par la structure en communiquant sur leur Médiablog.

Après l’expérience brestoise, il s’est avéré que la licence la plus utilisée par nos blogueurs était sans conteste la licence Creative Commons Paternité, Pas d’Usage commercial, Pas de Modification. A partir de 2009, c’est donc celle ci que nous avons décidé de proposer par défaut lors de la publication. Bien plus explicite qu’un simple "copyright" ou, pire, qu’une publication sans licence, cette licence convient parfaitement aux responsables d’association, directeurs d’établissements scolaires, porteurs de projets associatifs ou pédagogiques et jeunes.

3) Est ce que les personnes sont sensibilisées au droit des contenus publiés ? Comment cette proposition est-elle perçue ?

Le plus souvent, les membres d’association sont très peu sensibilisés au droit d’auteur et ne connaissent pas du tout les licences Creative Commons. La seule information qu’ils ont reçue vient des polémiques récentes autour du piratage informatique et au téléchargement illégal. Les sources d’information juridique ne sont pas ou peu connues, de même que les sites de ressources libres.

Quant aux jeunes, la majorité du temps, ils ignorent totalement- volontairement ou pas- le droit d’auteur qui ne leur semble pas correspondre à la réalité des pratiques de leur génération « native » du numérique. Apprendre que le droit d’auteur peut jouer jusques 70 ans après la mort de l’auteur, est souvent un choc pour eux.

Par ailleurs, ils ne s’identifient pas du tout comme créateurs, auteurs sur le web, jusqu’à ce qu’on leur demande de choisir une licence pour leurs propres publications sur le Médiablog.

Ils apprécient les possibilités que leurs ouvrent les licences Creative Commons, aussi bien en tant que consommateurs que producteurs de contenus et les adoptent volontiers une fois qu’elles leurs sont expliquées.

4) Quel retour après quelques années d’animation du Médiablog ?

Depuis 2006, la connaissance et l’usage des licences Creative Commons s’est nettement répandu dans le milieu de l’enseignement (à partir du collège) et de l’éducation populaire car la question du partage, de la mise en commun des connaissances et de leur accessibilité par tous est plus que jamais- avec l’outil web à portée de tous tout le temps et n’importe où- un enjeu essentiel pour notre Société.

Une particularité liée au multimédia et à la question de l’image : les parents restent très exigeants sur la publication de l’image de leurs enfants par le biais d’une structure associative ou pédagogique. Les responsables de ces structures sont alors tenus de posséder les connaissances nécessaires pour répondre à ces questionnements et y apporter des solutions claires et explicites : les licences Creative Commons répondent à cette attente.

Avec le développement de l’usage de ces licences libres dans le milieu associatif, on s’aperçoit que l’application du droit d’auteur reprends alors son sens : protéger les intérêts du créateur d’une oeuvre singulière et exceptionnelle. Pour toutes les autres productions : photos d’événements, prises de sons, vidéos de voyages scolaires (…) il y a toujours une licence Creative Commons adaptée.

5) Quels sont pour toi les freins pour une association à élargir les droits d’usages ?

Le principal frein à l’usage des licences libres est la méconnaissance de celles ci (et plus largement du droit d’auteur) ainsi que la méfiance liée à la diffusion de l’image d’une personne sur Internet. Par exemple, on pense généralement (à tord) que choisir une licence libre permettra l’utilisation de l’image d’une personne pour une publicité.

Lorsque j’accompagne une association en matière de publication multimédia, j’intègre de façon naturelle une information sur les licences et les droits de publication. La demande émane parfois de la personne ou de la structure elle-même. Quand on travaille avec des adolescents, ils ignorent souvent tout de cette problématique, mais elle émerge dans l’échange au moment où on évoque leurs propres publications.

Dans le cadre de la diffusion de l’image d’une personne, le choix du type de licence adapté est très important. Quand il s’agit d’une structure qui travaille avec des enfants, je conseille la Licence Creative Commons Paternité, Pas d’usage commercial, Pas de modification (la mettre en français et en toutes lettres fait partie de la démarche pédagogique).

J’insiste aussi beaucoup pour qu’ils précisent qui est l’auteur (ou qui sont les auteurs) du document publié, ce qui n’est pas toujours une évidence et aussi qu’ils intègrent cette licence dans leurs montages vidéos et pas seulement à l’indexation au moment de la publication. En effet, le document peut être facilement téléchargé et republié ailleurs que dans son contexte d’origine.

Ces conseils permettent de rassurer et lèvent bien des freins lorsqu’il existe un contexte de méfiance vis-à-vis de la publication d’images sur le web.

Très souvent aussi, les structures ne peuvent pas publier les documents produits car les musiques utilisées ne sont pas libres. Il est donc essentiel, dès la moindre production de diaporama photo par exemple, de préciser où trouver et comment utiliser de la musique libre. Le moment où je cite (et montre) jamendo.com ou dogmazic.net lors de mes temps d’accompagnement est toujours l’occasion pour mes interlocuteurs de commencer à prendre des notes...

6) Quelles sont les raisons qui font choisir une licence CC par une association ?

Le choix de publication sous licence libre CC relève tout d’abord d’une volonté de publier largement, de partager la connaissance et l’information.

Par ailleurs, il est souvent vital pour les associations de communiquer largement afin de valoriser les activités et les actions menées, notamment vis-à-vis de leurs partenaires, adhérents et adhérents potentiels. Cette démarche est facilitée par l’usage de licences CC qui favorisent la communication dite "virale" des publications en autorisant leur diffusion.

J’ai également pu remarquer, comme indiqué précédemment, que l’identification claire des conditions de partage qui apparaît dans les licences Creative Commons, est très appréciée dans un contexte de méconnaissance du droit d’auteur, notamment par ceux qui travaillent avec des enfants.

Quelques lignes pour me présenter

Je suis actuellement animatrice de projet TIC au sein du service Internet et expression multimédia de la Ville de Brest et également chargée de communication de la commune de Ploudalmézeau.

A Brest, mon rôle est de faciliter le travail des porteurs de projets multimédias associatifs et pédagogiques en leur apportant une formation et un soutien à tout moment de leur production : tournage, montage et publication. J’accompagne le projet Médiablog depuis 2006 et les élus du Conseil Régional des Jeunes de Bretagne dans la réalisation de leur webradio : http://kaoz.info depuis 2008.

Au cœur de mes deux métiers, une préoccupation constante : comment utiliser les nouvelles technologies pour faciliter le quotidien, la vie professionnelle ou la vie citoyenne de chacun.