Une politique publique de l’internet et de l’expression multimédia à Brest

, par  Michel Briand , popularité : 8%

Un article écrit à l’occasion de la participation de Michel Briand, élu à Brest en charge d’internet et de l’expression multimédia au Conseil National du Numérique. Cette participation est une prise en compte d’une politique publique du numérique menée depuis une douzaine d’années pour faciliter une appropriation sociale des outils numériques avec le souci de ne laisser personne de côté et de valoriser l’innovation d’usage.

reprise de l’article publié sur a-brest en janvier 2013

Michel Briand, nommé au Conseil national du Numérique

Voici quelques éléments qui retracent les grandes lignes de la démarche et des projets mis en œuvre à Brest reliant la ville et des centaines d’acteurs locaux, associations, personnes ou services publics.

Préambule

Je tiens particulièrement à remercier toute l’équipe du service internet et expression multimédia de la ville de Brest : François Élie, Gaëlle Fily, Élisabeth Le Faucheur, Frédéric Léon, Florence Morvan, Valérie Picolo, animée par Frédéric Bergot.

Leur attention aux personnes et aux projets, leur disponibilité, leur souci de relier les uns et les autres, leur accompagnement qui transforme les envies de faire en un pouvoir d’agir sont pour beaucoup dans la réalisation de cette politique publique.

Et rien ne serait possible sans les centaines de personnes qui, à Brest, s’impliquent dans cette appropriation sociale des outils du numérique et font vivre cette dynamique d’innovation sociale qui contribue à l’estime de soi et au mieux vivre ensemble.

Cette politique publique c’est aussi un réseau vivant de personnes avec l’association Créatif, les acteur-ice-s du numérique au pays de Brest, en Bretagne et dans les régions, les acteur-rce-s du libre et de la coopération, dont les rencontres nous font chaud au cœur et nous permettent à chaque fois de progresser dans la compréhension du partage et de la coopération, valeurs et pratiques si bien ajustées à cette abondance que nous apporte le numérique.

Voici quelques éléments qui me semblent structurants de la politique publique initiée par la ville de Brest.

La médiation numérique facteur de lien social et d’innovation ouverte

L’arrivée d’internet, du multimédia a profondément transformé la société que ce soit au travail, dans les loisirs, nos échanges, notre rapport à l’information. Ordinateurs, web, téléphonie mobile, tablettes, les outils du numérique font partie de notre quotidien.

Ce changement nous concerne tous. Mais nos habiletés ne sont pas égales et le premier axe de la politique publique à Brest vise à réduire les fractures numériques qui se surajoutent aux fractures sociales.

Un réseau de proximité de 105 lieux d’accès publics et Internet pour tous

Pour cela, la ville s’appuie sur le réseau en développement continu des points d’accès publics à Internet, les PAPIS. En 2010 le dernier équipement de quartier a rejoint ce réseau, témoin d’une prise en compte d’internet dans l’activité de l’ensemble des centres sociaux, maisons de quartier et patronages laïque.

Ce réseau de 105 points d’accès public en proximité des habitants est une originalité en France. Elle traduit la capacité de la ville de Brest à impliquer une centaine de partenaires associatifs et de services publics comme acteurs d’une politique publique partagée. Cette dimension collaborative du « Faire avec » apporte une efficience importante à un moment où les budgets sont fortement contraints.

Sur deux quartiers, Kerourien et Keredern la ville apporte un soutien spécifique qui a permis d’intégrer les questions du numérique dans la vie du quartier avec le centre social et en lien avec l’ensemble des partenaires du quartier. Un dispositif « internet pour tous à 1€ par mois », accompagné de la mise à disposition d’ordinateurs recyclés, d’ateliers de compétences numériques y a été validé par un vote majoritaire des habitants, généralisant cet accès à très bas coût dans les logements de l’habitat social de ces deux quartiers.

Accompagner le développement des usages

Petit à petit la question de l’accès perd de son importance et donne sens à la politique publique sur l’accompagnement des usages : ateliers pour l’expression multimédia, usages des logiciels libres, bornes de musique libres, réseau de 15 salles de visioconférences sur l’agglomération, visas de compétences numériques.

Autour de la production de contenus, de l’accompagnement de publics éloignés ou d’usages innovants plus de 400 projets ont été soutenus par l’appel à projet annuel. Là aussi l’apport de la ville est décisif parce qu’il permet de faire, tout en ne représentant qu’une petite partie (maximum de 2300 €) du coût des projets riches de l’implication de centaines de personnes.

Favoriser l’expression multimédia

La ville accompagne aussi l’usage des outils du numérique de publication. Nous avons accompagné la mise en place de nouveaux sites participatifs pour l’économie sociale et solidaire (600 abonnés, 5 000 articles publiés) l’action sociale (plus de 30 associations partenaires), la solidarité internationale et l’égalité Femmes-Hommes.

Nous avons aussi développé une pratique de l’écriture collaborative (wikis) présente maintenant dans une trentaine de projets (voir le portail des wikis) qui diffuse une méthode du « faire ensemble » et un donner à voir qui met en partage.

Outiller les acteurs

Pour favoriser l’appropriation par les associations et acteurs de l’éducation de l’expression multimédia, nous apportons un soutien aux associations Infini et Maison du Libre qui développent des « fermes de services » permettant à tout un chacun de disposer d’un blog, d’un site multimédia, de listes de diffusion, de cartes ouvertes ou d’adresses mel. C’est là un service unique en France et une alternative aux solutions web nord américaines qui ne respectent pas les lois françaises sur les données personnelles. Un pool de matériel mutualisé géré par le service rend possible un usage mutualisé des associations aux ordinateurs, caméra, enregistreurs numériques, vidéo-projecteurs sans avoir à s’équiper.

Encourager les initiatives et mettre en réseau les innovations sociales

La capacité des acteurs à s’organiser par eux mêmes dans des projets est le facteur nouveau de ces dernières années. C’est aussi le fruit du travail collaboratif initié par la ville de Brest dans les projets « Bureau libre » (un CD de logiciel libres de bureau diffusé à plusieurs milliers d’exemplaires sur Brest, 300 000 en France), le médiablog coopératif (plus d’une centaine de sites de web radio, web TV dont 30 lycées en Bretagne) ou wiki-brest carnets d’écriture collaborative sur le vivre ensemble et le patrimoine au pays de Brest (12 millions de pages vues, plus de 700 articles ayant eu plus de 3 000 visites).

En un an les ateliers de fabrications et d’électronique libre (« fablabs ») ont émergé à Brest proposant des dizaines d’activités qui dynamisent une appropriation sociale des sciences et technologies informatiques tel cet « OpenBidouille Camp » organisé en novembre.

Le réseau des bibliothèques a réalisé un portail des savoirs qui donne accès aux cours, conférences de Bretagne occidentale (plus de 250 contenus référencés en 4 mois).

Cette politique a aussi une dimension pays a travers le centre de ressources du pays de Brest,, le projet Wiki-Brest et un appel à projet à l’échelle du pays avec un financement de la région en 2010/2011 (26 projets soutenus).

Brest est aujourd’hui devenu un terreau fertile d’innovations sociales numériques dont les 26 premières sont mises en ligne sur la plate forme Imagination for people (http://www.a-brest.net/article11103.html).

Les innovations d’usage donnent à Brest une forte visibilité (cf le wiki et la webographie mise en annexe).

Le développement du multimédia n’a pas mis fin à d’autres formes d’expression tel les journaux de quartier qui eux aussi maillent le territoire. Si le renouvellement des équipes n’est pas toujours facile, ces journaux présents pour certains depuis plus de dix ans témoignent d’un souci du vivre ensemble en proximité des habitants. Beaucoup ont ouvert un portail sur wiki-brest pour partager l’accès à la collection des numéros publiés.

Former à l’efficience des pratiques collaboratives

Avec le numérique, notre société est confrontée pour la première fois de son histoire à la gestion de l’abondance. Copier un objet numérique (programme, texte, musique, vidéo ..) ne coûte presque rien. Et fabriquer de manière collaborative est très efficace. Ces pratiques de la coopération que nous avons apprises de manière empirique à travers les projets de Bureau libre ou de wiki-brest sont encore peu diffusées dans la société.

A travers le « Forum des usages coopératifs » et la semaine « Brest en biens communs », nous alternons, années paires et impaires des rencontre nationales et régionales qui font progresser les acteurs dans cette compréhension.

Depuis 2008 des formations-actions à l’animation de projets collaboratifs outillent des porteurs de projets au delà des acteurs du numérique.

Le projet autour de l’innovation sociale ouverte initié cette année vise à élargir l’usage de ces méthodologies de la coopération parmi les acteurs de l’action sociale, du développement durable de l’économie sociale et solidaire qu’ils soient acteurs publics ou associatifs.

La politique publique d’accompagnement des usages à Brest, fortement ancrée sur l’implication des acteurs et l’innovation sociale évolue au fur et à mesure de la diffusion du numérique dans la société. Après l’accès, l’accompagnement des usages, l’expression, les compétences c’est autour des méthodologies coopératives issues du numérique que s’élargit l’action publique. La prochaine ouverture d’une « cantine numérique » et d’un réseau de tiers lieux permettra de développer l’entrepreneuriat et la créativité, en favorisant le travail coopératif et la l’innovation.

A un moment où la société s’interroge sur son modèle développement, ses inégalités, ses nécessaires transitions écologiques et sociales, l’efficience des méthodologies de la coopération, son souci d’élargir les biens communs, sa capacité à impliquer les personnes à travers les réseaux sociaux et les outils collaboratifs sont un axe nécessaire d’une politique publique soucieuse du vivre ensemble et du dynamisme du territoire.

Chaque axe de cette politique publique est l’objet d’évaluations par des acteurs universitaires qui nous aident à faire évoluer la politique publique. Après un 3éme bilan des papis nous travaillons actuellement sur l’utilité sociale des différentes formes de médiations numériques.

Michel Briand

conseiller délégué à internet et l’expression multimédia,

vice président de Brest Métropole Océane en charge de l’économie sociale et solidaire et de l’aménagement numérique du territoire.