Accompagner l’envie d’écrire article publié dans le numéro 187 d’aout 2003 de la revue ATD Quart monde
La revue ATD Quart monde vient de publier dans son numéro d’aout 2004 un dossier "Internet au service de qui ?"
avec une contributiuon d’acteurs brestois reprise plus bas.
Voici le sommaire du numéro
– Introduction de Jean Tonglet
– Les enjeux de la société de l’information Jean Pierre Pinet, sociologue, volontaire d’ATD Quart Monde
– Internet, vous avez dit Internet ? Débat dans le cadre de l’université populaire de Bretagne
– Un atelier informatique par Brigitte Bourcier et Corinne Chevrot, volontaires permanentes du mouvemlment ATD Quart Monde.
– Cours d’informatique dans les Apalaches par Vincent Favelli, volontaire américain d’ATD Quart Monde.
– Modernité, réinventer le travail par Bruno Dulac, universitaire, volontaire d’ATD Quart Monde
– Pour les écoliers, l’ordinateur ne se fache pas, par pascale Vincendon, professeur des écoles spécialisées
– Initiatives de terrain et politiques publiques par jean Christophe Sarrot Coordinateur NTIC à l’INJEP.
– Accompagner l’envie d’écrire, par Michel briand adjoint au maire de Brest.
– L’internet, un bien commun planétaire par Michel Elie, président de l’observatoire des usages de l’internet.
– Sommet mondial de la société de l’information, une chance à saisir par Alain Clerc Directeur de la division société civile du secrétariat exécutif du SMSI
Editions Quart-Monde, 15 rue Maître-Albert, 75 0005 Paris
tel 01 46 33 49 77
Quel plaisir de se promener au milieu des carnets de voyage. Photo reportage pour les habitants de Pontanézen partis une journée, à la rencontre d’un sculpteur sur bois des Côtes d’Armor, mots écrits en relief avec toute une palette de matériaux par les enfants mal voyants. Carnets sonores et multimédia, carnets de quartier ce sont plusieurs dizaines d’écrits qui se donnent à voir les uns les autres à côté des carnetistes qui racontent leur voyage plus lointains.
Le samedi d’avant, l’école, le centre social, les sorties familiales et les habitants de Kérourien faisaient une fête de quartier pour la parution du livre « Couleur de quartier », paroles recueillies d’habitants. Publier ce livre, c’est accompagner une joie de se lire, une confiance retrouvée, une fierté de donner avec leurs mots une autre image du quartier auquel chacun est attaché.
Un autre samedi une centaine de bénévoles des journaux de quartier Brestois questionnent les photographes invités, s’initient à l’écriture sur internet, se passent les appareils numériques. Regroupés au sein d’un collectif une quinzaine de journaux organisent maintenant eux-mêmes leur journée annuelle, invitent, débattent, se regroupent dans des ateliers et montent en mélangeant les équipes de rédaction le journal, papier, photo ou vidéo de leur journée.
Chaque personne a quelque chose à dire pour peu qu’il y ait quelqu’un pour l’écouter, des occasions de le dire, un accompagnement pour recueillir, aider à s’exprimer des paroles trop souvent dévalorisées.
Téléphone mobile, ordinateur, photo numérique, courrier électronique, toile du web, en quelques années, notre société a inventé beaucoup de moyens de communiquer mais quelle énergie avons nous consacré à donner la parole ?
Ces quelques exemples témoignent de la diversité, de la richesse des envies d’écrire. Aux discours sur « la société de l’information » je préfère ce patchwork d’expressions, de couleurs qui témoignent de la diversité, de la richesse qui réside en chacun d’entre nous.
Après l’accès public, accompagner l’écrit public ?
apprendre à lire mais aussi donner envie d’écrire, faciliter l’écrit public sous toutes ses formes, les réseaux n’est-ce pas d’abord des envies d’échanges, de rencontres ?
Par la mise en œuvre de points d’accès public à internet ou d’espaces multimédia les collectivités locales ont voulu faciliter l’appropriation de ces outils de communication et d’accès à l’information. Les bibliothèques et les équipements de quartier (MPT, MJC, Centres sociaux) y ont pris une place importante.
Aujourd’hui lorsque 40% des familles n’ont pas d’ordinateur et les 2/3 n’ont pas d’accès internet, cet accompagnement reste une priorité c’est le sens du travail de l’association Créatif
[1],
fondée avec la participation de Bruno Masurel :
– avec la multiplication des services disponibles, l’exclusion ressentie par celles et ceux qui n’ont pas accès s’accroît ;
– l’écart entre l’enfant accompagné par sa famille qui sait rechercher des informations pour son travail scolaire, ses loisirs et celui qui ne peux y accéder est injuste ;
– trop rares sont les lieux d’accès qui prennent en compte les publics les plus éloignés ;
– multiplier les lieux d’accès accompagnés dans tous les lieux ordinaires de service public est un besoin. Sous-préfectures, ANPE, CCAS, mairies, CAF chacun en est responsable.
Pourtant ce chantier à peine engagé est mis en danger. Des milliers de médiateurs recrutés sous statut emploi-jeunes sont aujourd’hui dans l’incertitude. L’arrêt annoncé du co-financement par l’état remet en cause le travail, l’implication personnelle de milliers de jeunes enthousiastes.
Le développement du web et du mél a posé la question de la lecture accompagnée (l’accès à). La simplification des outils d’écriture sur le web, la disponibilité d’appareils multimédia rendent aujourd’hui possible l’écrit public mêlant textes, photos, son et images.
Apprendre à lire est indispensable pour travailler, étudier, s’orienter, comprendre le monde. Etre membre de la société humaine demande aussi de savoir, d’avoir l’envie et l’occasion d’écrire. Participer à la vie de la cité c’est aussi être écouté, débattre en utilisant l’écrit privé et public.
Internet n’est pas qu’un nouveau média de diffusion, un marché de communications, le développement des réseaux répond avant tout à un besoin d’échanges entre personnes. Insensible à l’éclatement de la flambée financière des groupes de télécom, le réseau s’accroît de 100 millions de personnes chaque année.
A chaque fois que l’on introduit des débits plus fluides, un coût plus abordable, de nouveaux usages d’échanges de musique, de photos, de jeux en réseaux se mettent en place aussi bien au niveau du quartier qu’avec l’autre bout du monde.
En un peu plus d’un an, un millier de sites associatifs en co-publication se sont créés avec l’outil spip et un millier de « blogs », ces sites personnels tantôt journal d’expression personnelle, tantôt fil d’actualité se sont ouverts en quelques mois en France .
Mais l’enjeu n’est pas seulement de permettre des écrits individuels ou communautaires. Au delà des outils c’est un espace d’innovation sociale et culturelle qui s’ouvre. A l’heure où le lien entre élu-e-s et habitant-e-s, le bien public sont fragilisés n’a-t-on pas ici des outils pour le lien social, la mise en réseau, la participation, la construction de sens partagé sur un quartier, une ville ou un territoire ?
Une politique publique d’écriture, d’initiative, de coopération peut avoir pour objet :
– de réduire l’appréhension de l’outil informatique pour lequel beaucoup de personnes n’ont pas encore d’usages ;
– de diffuser cette culture de la coopération, de l’écrit public auprès des services publics ;
– d’aller à a rencontre, de donner envie d’écrire, d’être lu, d’échanger pour celle et ceux qui en sont éloignés ;
– de relier la multiplicité des formes d’expression ;
– d’expérimenter de nouveaux modes de débat participatif.
L’écrit public n’est pas spontané. Au sein du réseau I3C nous portons un projet Ecrit-public.net pour mettre à disposition, mutualiser nos expériences de formation. C’est l’accompagnement local d’une centaine de personnes qui a permis la création d’une « ronde des sites d’expression à Brest ».
C’est l’appel à projet local qui ouvre un espace chaque année pour une vingtaine d’initiatives .
Et si l’on mettait un dixième des moyens consacrés aux écoles d’ingénieurs, aux entreprises de haute technologies, aux marchés virtuels pour l’écrit public ?
Les journaux de quartier à Brest
Hakima Habibi, service citoyenneté démocratie locale et nouvelles technologies
Il existe actuellement 12 journaux de quartier brestois. Certains créés à l’initiative des habitants, d’autres avec un coup de pouce de pouce de professionnels. Beaucoup se sont constitués en association de leur propre initiative.
Les motivations défendues pour créer un journal sont diverses : communiquer des informations relatives à la vie de quartier, favoriser l’expression des habitants, porter un autre regard sur le quartier, permettre l’émergence des projets, agir en faveur de la lecture et de l’écriture.
La ville de Brest et la Maison de la lecture les accompagnent : formation à l’écriture, prise en charge de l’impression des journaux, mise à disposition de matériel (ordinateur, imprimante, appareil photo numérique..).
Du collectif des journaux de quartiers créé en 1997, est né la formation des bénévoles (mise en page, écriture journalistique, écriture sur le web…) et un projet fédérateur : la rencontre annuelle des journaux de quartier.
Lieu d’échanges c’est aussi un temps de réflexion et d’apprentissage : conférences, expositions, ateliers débats sont à l’ordre du jour. Depuis deux ans, les membres du collectif des journaux de quartier se sont totalement appropriés cette journée en étant les initiateurs du programme et du thème.
Les 2 plus anciens journaux de quartiers sont Le Haut des Tours et TAPAJ (Tous à Pontanézen Action Journal). TAPAJ existe depuis 1991, tiré à 3 000 exemplaires, son 100ème numéro a été l’occasion de la création d’un CD Rom sur lequel sont enregistrés tous les numéros publiés. Le Haut des Tours a été créé en 1992 et est tiré à 1 500 exemplaires.
Un soutien pour une démarche de soins
Aude Barthélémy, association Infini, hébergeur associatif de Bretagne
Malgré la diffusion de l’outil Internet, nombre de publics en sont aujourd’hui fort éloignés. L’association Infini souhaite aller vers ces publics (personnes âgées, handicapées, isolées ...) TIC en prenant en compte leurs différences et avec des actions spécifiques.
C’est dans ce cadre que nous avons mis en place une première action en direction d’hommes de 40 à 50 ans, accueillis au centre de postcure en alcoologie, Ar Styvel, à Brest.
La découverte d’internet et l’appropriation de l’outil, aide à l’élaboration d’un projet professionnel, permet de retrouver la confiance en soi, favorise la reconstruction d’une image positive en ayant accès à de nouveaux apprentissages (réussir ! ), donne du plaisir dans une activité
Mais il s’agit aussi de
– retrouver des repères temporels en s’investissant dans une activité qui demande assiduité, persévérance et patience ;
– pratiquer l’entraide, favoriser le travail de groupe, la communication, dépasser ses appréhensions pour demander par exemple une aide technique ;
– créer du lien social par la pratique d’une activité à l’extérieur de Centre.
– déplacer son attention, avoir des repères extérieurs favorisant une rupture avec la relation de dépendance à l’alcool
– créer une dynamique personnelle et une dynamique de groupe.
Au pied de ma tour
Jean-Paul COSME, médiateur du livre, MPT du Valy hir
L’accès public aux technologies de l’information et de la communication par l’écriture doivent s’étendre au-delà des publics immédiats.
L’écriture directe par ordinateur portable en réseau hertzien s’adresse à :
– un public en conflit avec l’institution ( adultes ou jeunes ) n’ayant ni les moyens, ni la culture d’intégration aux techniques de communication actuelles ;
– un public n’osant pas ou ne pouvant pas se rendre dans les structures de quartier accueillant les points PAPI. ( MPT, Bibliothèques, … ).
Ou simplement , un instant d’échange à travers l’écriture
Au Pied de ma Tour est une rencontre entre l’habitant de quartier qui ne trouve plus ou peu sa place face à l’écriture et la possibilité directe de s’exprimer par les mots dans les principes :
– reconquête des règles de citoyenneté par une ouverture sur les ressources culturelles et sociales de la ville.
– respect des choix individuels, par l’acceptation des textes d’expression directe, le choix de sa mise en valeur ou l’intégration de billets d’humeur.
– réduction des inégalités d’accès de chacun à l’usage des nouvelles technologies, démystification et une aide aux technologies de la communication.
Ce projet réalisé au fil de l’emploi du temps du médiateur du livre de la Maison Pour Tous du Valy-Hir, séduit les habitants parce qu’il est marginal et accessible, chacun peut s’y essayer sans contrainte.
Les textes recueillis, spontanés, deviennent alors des fenêtres ouvertes sur d’autres horizons.
Cet atelier mobile a pu déambuler tout au long d’une semaine dans la galerie du centre commercial Carrefour recueillant plus de 120 textes simples, authentiques ou plus classiques.
Au Pied de ma Tour rencontre deux types de public bien distincts : des textes de femmes au foyer ou personnes sans emploi, le matin et plutôt des jeunes qui viennent s’exprimer l’après-midi.
Ce projet permet de bousculer les mots, d’ensorceler les énoncés, de se lâcher réellement. Il rencontre une écriture où se mêlent l’ordinaire et le merveilleux.
Enfin, quelquefois, il amène un public vers l’atelier d’écriture de la MPT pour une exploration des capacités créatrices, une découverte de l’auteur qui est en lui.
Les reportages, poèmes de liste de course, textes ou simples écrits ou dialogues se devaient d’être regroupés mais l’incident du vol du matériel et de son contenu a stoppé pour un trimestre l’atelier. Aujourd’hui, le travail a repris, avec plus de prudence, mais toujours avec le désir de partager, de rencontrer, d’échanger en associant les mots et les nouvelles technologies dans la logique de l’Internet créatif, coopératif et citoyen.
– Textes recueillis : 234, avec près de 600 personnes abordées
– Coût matériel : 2672 €, subvention : 2000 €
Temps consacré à l’atelier : 6 h par semaine