Accès public accompagné au numérique : CRéATIF propose 5 mesures et 4 pistes de travail pour une politique nationale d’e-inclusion

, par  Michel Briand , popularité : 15%

Dans le cadre des Assises du Numérique lancées fin mai par Eric Besson, Secrétaire d’Etat, chargé de la Prospective, de l’évaluation des politiques publiques et du développement de l’économie numérique.

Malgré l’essor des outils numériques, 40 % de la population n’a toujours pas accès à internet. Plus les usages et les services se développent, plus celles et ceux qui n’ont pas accès (personnes âgées, isolées socialement, en précarité ...) se sentent exclus de cette évolution de la Société. Il est urgent de prendre en compte ces personnes dans un accès public accompagné de proximité.

Les initiatives portées par les collectivités locales sont nombreuses mais inégales et CRéATIF propose aujourd’hui 5 mesures et 4 pistes de travail afin de définir une politique nationale d’e-inclusion.

Les espaces publics numériques sont des lieux d’accompagnement de projets et de support des usages innovants du numérique au service du lien social

Un article reporis du site de Créatif

Assises du Numérique – Juin 2008

Propositions de CRéATIF et d’un collectif d’acteurs de l’accès public à Internet

Nous sommes des acteurs engagés dans l’appropriation et le développement des usages du numérique.

L’association CRéATIF rassemble des personnes engagées dans la conduite et la promotion d’actions de sensibilisation du public aux technologies de l’information et de la communication (TIC) pour le compte de collectivités territoriales, associations ou administrations décentralisées. En s’appuyant sur une pluralité de dispositifs d’accès publics, de démarches et de territoires, CRéATIF favorise l’appropriation sociale et citoyenne des technologies de l’information par :

  • l’échange des pratiques et le travail en réseau des animateurs et des responsables ;
  • le soutien et la diffusion des réalisations et des projets ;
  • l’observation et l’évaluation des usages ;
  • l’encouragement d’une participation active de la population.

Pour prévenir les risques de nouvelles exclusions liées aux TIC

L’action de CRéATIF s’inscrit dans une démarche de développement local des usages sociaux, culturels, éducatifs, et des capacités d’expression et de création des populations. Son souci est de favoriser l’accès au droit, à la culture et à l’emploi afin de réduire les inégalités d’accès. Sa volonté est de lutter contre les risques de nouvelles exclusions liées aux TIC.

Depuis plusieurs années déjà, CRéATIF contribue à faire avancer la réflexion en matière de développement et de pérennisation des Espaces publics numériques. Ces lieux offrent aujourd’hui, et plus que jamais, un véritablement accompagnement de la population à une époque où l’informatique et les objets numériques se répandent dans les foyers, où les technologies mobiles sont entrées dans le quotidien de chacun et où les services publics développent de plus en plus leur accès via Internet.

Nous proposons 5 mesures et 4 pistes de travail afin de soutenir les actions d’e-inclusion

Sous la coordination de CRéATIF, ses membres, auxquels se sont associés d’autres acteurs de l’accès public à Internet, ont souhaité apporter leur contribution aux travaux menés dans le cadre des Assises du Numérique lancées par Eric Besson, Secrétaire d’Etat, chargé de la Prospective, de l’évaluation des politiques publiques et du développement de l’économie numérique.

  • Parce que la capacité d’accéder à l’information devient de plus en plus vitale pour tenir sa place dans la Société,
  • Parce que plus de 40% de la population restent encore en marge du maniement du multimédia et d’Internet,
  • Parce que l’appropriation par ces publics éloignés des TIC demandera un effort d’accompagnement plus soutenu du fait des freins cognitifs et culturels,

Nous sommes convaincus que les pouvoirs publics ont un rôle majeur à jouer dans le soutien et le développement de ces dispositifs, afin de tenir les objectifs européens que la France s’est engagée à respecter conformément au programme e-Inclusion 2010.

Contexte et enjeux

L’accès public accompagné au numérique : une mission d’utilité sociale

On ne peut développer une économie du numérique sans faciliter l’appropriation d’une culture numérique par le grand public.

La sensibilisation aux questions de sécurité, de protection de la vie privée et de respect d’une attitude citoyenne, l’accès aux services de l’administration en ligne, le développement des usages d’expression et de création de contenus, la prise en compte des besoins spécifiques des publics les plus éloignés, sont autant de dimensions indispensables au développement durable d’une économie numérique.

Les Espaces publics numériques relèvent d’une mission d’utilité sociale afin de prévenir les risques d’exclusion d’une partie de la population aujourd’hui « déconnectée » de l’évolution rapide vers une société où le numérique occupe une place centrale.

Anticiper de nouvelles disparités

L’équipement des ménages est encore très inégal. Les familles à revenus modestes et faible niveau d’études ont besoin d’un accès à coût réduit (en logement social par exemple) et d’un accompagnement pour comprendre l’utilité et le bénéfice du numérique afin de se repérer dans la diversité des offres.

Après la couverture complète du pays en haut débit, le déploiement du très haut débit se fera de façon lente dans les territoires les moins rentables pour les opérateurs et sera générateur de nouvelles inégalités. Cette perspective nécessite de travailler à un maillage des réseaux, des points d’accès et des éditeurs de contenus locaux, dans une approche d’aménagement numérique des territoires. Le numérique, en permettant le même accès à une offre diversifiée de biens, de services et de culture dans le monde rural comme dans les villes, contribue à rétablir une équité territoriale.

Renforcer la qualité des services proposés

Le paysage français de l’accès public accompagné aux outils et services numériques a longtemps été caractérisé par une diversité de programmes et labels régionaux ou locaux disparates. L’Etat peine à fédérer et coordonner l’action de ces réseaux, dont le morcellement et la discontinuité de couverture du territoire, nuisent à la lisibilité de ces dispositifs par le grand public.

La charte Net Public gagnerait à être associée à un standard de qualité, supérieur à ce que proposent déjà les appellations locales, en mettant l’accent, tant sur la diversité et la cohérence des contenus et services proposés que sur la qualité de l’accompagnement.

Professionnaliser les acteurs

Cette montée en qualité nécessite de miser sur la formation des professionnels : animateurs, médiateurs, bibliothécaires, ... Chargés quotidiennement de répondre aux demandes et d’assurer des initiations ou animations dans leurs espaces, il est indispensable que leurs compétences puissent être réactualisées en permanence, afin de suivre l’évolution rapide des technologies et de leurs usages.

La qualification de ces professionnels doit pouvoir être garantie par le biais d’une certification des compétences reconnue dans la fonction publique territoriale.

Aller au devant des publics éloignés

En accueillant par exemple des services de type visioguichets ou espaces de télétravail, les Espaces publics numériques peuvent contribuer à réduire l’éloignement géographique des habitants de certaines zone rurales enclavées. En veillant à l’accessibilité des outils et services aux personnes en situation de handicap, aux publics illettrés ou en grande précarité sociale, ces lieux pourront mettre la technologie au service de l’inclusion sociale.

Les demandeurs d’emploi sont nombreux à trouver dans ces lieux des ressources pour accompagner leurs recherches. La présence croissante des seniors dans ces espaces, les amènent à côtoyer enfants et jeunes adultes, renforçant par là même le lien social intergénérationnel.

Outiller la créativité du plus grand nombre

L’évolution des technologies numériques laisse présager un potentiel de communications et d’interactions humaines plus interactives que celles que nous avons connu à l’ère de l’audiovisuel analogique. Cette invitation à la créativité des utilisateurs demande de nouvelles connaissances à apprivoiser et à maîtriser. Dans cette perspective, miser sur l’accompagnement humain s’avère un bon investissement.

Propositions de mesures pour l’e-inclusion

Les Espaces publics numériques sont des lieux d’accompagnement de projets et de support des usages du numérique au service du lien social

Mesure 1 : Elaborer avec les acteurs des territoires une Charte d’objectifs NetPublic 2.0

Par « 2.0 », on entend une démarche concertée permettant de définir les objectifs et le cadre dans lesquels doit se dérouler l’intervention des acteurs et prescripteurs, publics et privés, des services d’accès accompagné, d’initiation et de formation aux outils et contenus numériques.

Associer aux objectifs quantitatifs et qualitatifs, les moyens à mettre en œuvre et les mécanismes d’observation (démarche qualité) et d’évaluation, qui seront vérifiés par les réseaux d’acteurs constitués, nationaux ou territoriaux.

Mesure 2 : Soutenir les territoires dans le développement coordonné d’un accès accompagné aux outils et services numériques

Définir le développement numérique des territoires et l’accès accompagné des usages, comme une nouvelle compétence obligatoire sur une échelle de territoire à définir (communauté de communes, département, région ...).

Renforcer la complémentarité et le maillage des Espaces publics numériques sur les territoires en cartographiant l’existant, en développant une animation territoriale et une communication nationale auprès du grand public.

Mesure 3 : Définir et contractualiser avec les administrations et les collectivités le rôle des Espaces publics numériques dans l’accompagnement du développement de l’e-administration

Valoriser le travail effectué par les EPN pour l’accompagnement des publics à l’usage des téléservices en partenariat avec les administrations et organismes concernés sur les territoires (Communication et participation aux frais de fonctionnement).

Développer dans les zones rurales ou relevant de la politique de la Ville, les Relais de services publics ou des dispositifs similaires.

Mesure 4 : Renforcer l’accompagnement et l’accès à l’e administration dans les lieux d’accès public par la présence d’un fonctionnaire d’Etat au côté de l’animateur-trice

Redéployer des fonctionnaires d’État dans les Espaces publics numériques : véritables médiateurs administratifs, ils feraient le lien entre les citoyens et l’administration avec une pleine légitimité (Financement : mesure neutre pour le budget de l’État).

Mesure 5 : Garantir une certification minimale pour les professionnels de l’animation multimédia

Définir un référentiel national des compétences des « Médiateur des technologies numériques » et organiser à l’échelon régional des parcours de qualification des animateurs des Espaces publics numériques en vue d’obtenir la certification C2i niveau 2 correspondante.

Faire reconnaître cette certification professionnelle : inscription au RNCP et dans les grilles d’emploi et de concours de la Fonction Publique Territoriale, filière animation.

Pistes de travail complémentaires

Nous proposons en outre quelques pistes de travail qui méritent d’être étudiées, approfondies et soumises au débat :

Piste 1 : Promouvoir et diffuser le B2i Adultes comme référentiel de compétences de base pouvant être acquises et développées au sein des Espaces publics numériques.

  • Encourager la mise en place de passerelles entre initiation dans les EPN et qualification dans les organismes de formation, via un portefeuille de compétences numériques (e-portfolio) s’appuyant sur un référentiel national commun.

Piste 2 : Mobiliser les fonds disponibles dans le cadre du Droit Individuel à la Formation (DIF) afin de financer les initiations qui se déroulent dans les Espaces publics numériques.

  • L’initiation à la Culture numérique fait partie intégrante de l’Education tout au long de la vie et les EPN peuvent collaborer avec les organismes de formation pour une meilleure prise en charge des publics sur chaque territoire (accueil de proximité, horaires plus adaptés).

Piste 3 : Développer des pôles ressources autour de l’appropriation du numérique pour des publics spécifiques (seniors, handicap, illettrisme, migrants...)

  • Identifier les multiples partenaires et personnes-ressources capables d’intervenir sur ces questions et favoriser l’échange et la coopération.
  • Identifier et développer les ressources pédagogiques adaptées, former et outiller les professionnels à l’accueil des publics aux besoins spécifiques et favoriser l’équipement des Espaces publics numériques d’interfaces matérielles et logicielles permettant l’accessibilité à tous les publics (Financement : Fonds européens des politiques d’e-inclusion, AGEFIPH).

Piste 4 : Doter les Espaces publics numériques des technologies les plus récentes afin qu’ils puissent durablement jouer leur rôle de facilitateur dans l’appropriation des nouvelles technologies par le plus grand nombre.

  • Accompagner les collectivités dans le renouvellement des équipements des EPN, afin de les aider à suivre les évolutions rapides des technologies : fibre optique, internet mobile, web TV, web 2.0, visioconférence, ... (Financement : Caisse des Dépôts et taxe sur le numérique collectée auprès des FAI).