Le réseau des Espaces Publics Numériques Wallons un aperçu du dispositif et des initiatives, interview de Jean Luc Raymond

, par  Michel Briand , popularité : 5%

Le réseau des Espaces Publics Numériques soutenu par la région Wallone constitue à travers ses espaces et sa coordination un lieu dynamique d’accueil et d’initiatives.

Une interview de Jean-Luc RAYMOND

Coordinateur opérationnel du Centre de ressources des Espaces Publics Numériques de Wallonie

(Belgique - dispositif régional)

http://www.epn-ressources.be

(infos au quotidien et ressources pour les EPN)

1) Le réseau des espaces publics wallons sera présent avec un groupe d’animateurs à ce 3ème forum des usages coopératifs, peux-tu expliquer l’intérêt pour vous de cette participation ?

Il existe depuis des mois une réelle motivation des animateurs multimédia et responsables d’EPN de Wallonie pour échanger avec des homologues en dehors des frontières belges. Certains EPN de Wallonie ont déjà mené des animations et activités communes ces derniers mois avec des Espaces Publics Numériques en Picardie et en Nord-Pas-de-Calais : c’est le cas de Péruwelz, Bernissart et Frameries notamment qui se trouvent en zone frontalière avec la France.

D’autre part, une importante délégation d’EPN de Picardie s’est déplacée aux ReWICS 2008 - Rencontres Wallonnes de l’Internet Citoyen - à Charleroi au mois d’avril. Ils étaient plus de 30 ! Des lieux d’accès publics de Nord-Pas-de-Calais étaient également présents.

Notre action en Wallonie permet aussi de donner accès gracieusement aux formations du dispositif des EPN des Pouvoirs Locaux de Wallonie aux animateurs multimédia des EPN de la Région Nord-Pas-de-Calais labellisés Cybercentres avec une réciprocité. C’est sans doute unique en Europe, ce genre de collaboration inter-EPN entre 2 pays ! Les deux régions sont souvent considérées comme soeurs avec beaucoup de points communs.

Avec Isabelle Cousin et la DRESTIC (Région Nord-Pas-de-Calais), on a monté un partenariat pragmatique qui va jusqu’à la diffusion d’offres et de demande d’emploi dans les 2 réseaux respectifs. On a visé à l’utilité et à ce qui était immédiatement réalisable et concret pour les animateurs et les EPN.

Les animateurs en Wallonie ont souvent entendu parler de ce qui se passe à Brest en matière d’appropriation citoyenne de l’Internet et de l’informatique et sont avides d’en savoir plus et de voir réellement sur le terrain ce qu’il se passe. L’échange avec les participants est important. Ils préparent un atelier participatif sur ce qu’ils ont déjà mis en place localement qu’ils proposeront donc de découvrir le mercredi après-midi au Forum. N’hésitez pas à venir à cet atelier !

Quelques animateurs de Wallonie sont déjà venus en France soit à des rencontres des Jeudis des EPN, soit à la dernière rencontre des Espaces Culture Multimédia à l’automne 2007 à Paris. Beaucoup sont revenus de ces rendez-vous avec des idées qu’ils ont ensuite mis en pratique dans leurs lieux d’accès publics. On estime que le rôle de notre Centre de Ressources est d’ouvrir le champ des possibles pour les EPN et les animateurs. Les aider à pouvoir se déplacer à des rencontres hors de leur territoire, c’est une manière de prendre recul sur ses propres pratiques, de confronter des expériences, de s’enrichir, d’apprendre aussi... Aussi, c’est essentiel que de pouvoir favoriser cela. C’est l’un des pourquoi de la présence des EPN de Wallonie pour ce forum des usages.

En outre, la Ville de Brest est présente au Printemps aux ReWICS - Rencontres Wallonnes de l’Internet Citoyen - à Charleroi (Wallonie, Belgique). Des animateurs ont donc déjà vu expliciter les projets comme le médiablog coopératif, Tronches de Vie ou Wiki-Brest par exemple. Venir sur place rencontrer les acteurs de ces activités est un réel plus pour mieux comprendre comment cela est mis en place et quelle utilité cela a.

2) Peux-tu nous présenter ce réseau des espaces publics mis en place par la région Wallonie ?

Il y a actuellement 69 communes ou CPAS (l’équivalent de nos centres communaux d’action sociaux) qui sont accompagnés par une subvention triennale d’un montant maximum de 50 000 Euros par projet (complémenté par les communes). Outre cela, des projets labellisés "Espaces Publics Numériques des Pouvoirs Locaux de Wallonie" rejoignent le réseau peu à peu (ce peut être des communes, des CPAS ou des associations aidés par des collectivités territoriales). C’est un investissement important auquel s’ajoute un dispositif de formation de 15 jours par an, de rencontres thématiques, de visites dans les lieux, d’un centre de ressources physique (centre de documentation situé à Gosselies, près de Charleroi) et aussi d’une animation de réseau à distance et en présentiel.

Le Centre de Ressources est une mission que la Région Wallonne (via la Direction Générale des Pouvoirs Locaux et le Ministre Philippe Courard) a confié au Centre de Compétence Technofutur TIC qui a mené depuis quelques années des actions de formation pour les EPN et a rédigé un livre blanc sur la question.

Les communes accompagnées sont urbaines, semi-urbaines ou rurales. Les subventions ont été attribuées à des EPN en création ou en renforcement visant notamment une répartition territoriale couvrant la Région équitablement et dans un but de lutte contre la fracture numérique c’est-à-dire d’accueillir avant tout des publics éloignés de l’Internet. Les animateurs et les communes se sentent réellement investis par cette mission, bien que cela ne soit pas toujours évident à mettre en place.

3) Comment fonctionne la mise en réseau ?

Elle se passe avant tout par des rencontres. Nous faisons tout ce qu’il est possible pour que les animateurs ne soient pas isolés. Nous considérons que si les communes et la Région investissent en matériel et en ressources humaines pour monter des EPN et les faire vivre, notre rôle d’accompagnement des animateurs est primordial. C’est la personne centrale dans chaque projet. On essaye de mettre les gens en relation sur des projets à mener en commun, à faire qu’il y ait une bonne entente dans le réseau, que les gens puissent échanger des ressources et des compétences via un YahooGroup, des séances de chat, par email aussi et des moments où les animateurs puissent réellement discuter et découvrir d’autres manières de faire dans d’autres lieux.

On essaye aussi de favoriser les moments de convivialité qui participent à la bonne entente et aussi à avancer dans les projets. On aide les structures à penser à l’avenir et à y réfléchir activement.

4) Par rapport à la situation de l’accès public en France quels sont les éléments qui te semblent particulièrement intéressants dans cette initiative wallone ?

Modestement, on essaye d’être pragmatique, d’avancer pas à pas, de recueillir de bonnes idées venant des animateurs et de s’y tenir. Par exemple, l’idée du blog collectif EPN-Ressources.be est née d’une demande des animateurs multimédia fin 2006 de créer un site Internet pour mutualiser et évoquer des ressources qui leur semblent importantes tout comme de parler d’actions ou d’initiatives locales.

Plus de 20% du contenu de ce blog est alimenté par les EPN... dans un mode ouvert, sans mot de passe, gracieusement. Nous sommes un projet public financé donc avec de l’argent public. Il nous semble donc important de continuer à alimenter un outil comme ce blog de façon publique pour les internautes, des professionnels intéressés, des EPN en dehors de Belgique... et le choix d’un type de Licence Creative Commons pour ce blog s’est facilement imposé de lui-même. L’Internet d’aujourd’hui se doit d’être ouvert sur le monde.

Le pragmatisme, c’est aussi d’avancer vers des formations qui correspondent à des besoins forts exprimés. On a développé toute une série de formations sur l’appropriation des logiciels libres car c’était très demandé par les animateurs : sur Scribus, Ubuntu et dès le trimestre prochain sur The Gimp et OpenOffice. Ces formations logiciels libres sont toutes confiées à des animateurs multimédia. On considère que c’est un réel plus que d’agir ainsi.

L’équipe du Centre de Ressources des EPN de Wallonie est modeste en terme de ressources humaines. Que ce soit Pierre, Eric ou Franck ou moi-même, aucun de nous ne travaille à plein temps sur la mission EPN. C’est un avantage certain car cela évite de travailler au quotidien sur un "mono-sujet". Autre point important : lorsqu’on visite des EPN, la Région Wallonne est présente via Stéphane Ochendzan et on essaye que l’élu local en charge de l’EPN (dit "Echevin"), le chef de service et l’animateur puissent tous être là à ce moment-là.

Il y a des difficultés comme tout réseau d’EPN notamment sur la précarité de l’emploi des animateurs. Nous diffusons des infos en interne dans notre réseau sur des opportunités de financement possibles des structures ou des appels à projets existants auxquels les EPN peuvent répondre.

Nous agissons avec des partenaires pour faire bénéficier aux EPN d’aides ou d’un apport de formation qui peut leur être utile. Et on est réellement à l’écoute du terrain ; on s’y rend. La discussion fait partie inhérente de notre réseau.

5) Quels sont pour toi les enjeux aujourd’hui de l’accès public accompagné ?

Un des enjeux majeurs à mon sens est l’éducation au multimédia et une attention particulière à porter à l’alphabétisation numérique... Avoir un recul critique sur l’utilisation de l’Internet d’aujourd’hui, ne pas céder à des effets de mode Web de plus en plus prégnants ces temps-ci qui incitent à la consommation de l’Internet plus qu’à la création... ou qui visent à l’exploitation de contenu ou de données personnelles.

La citoyenneté sur Internet se vit et ne se décrète pas. Je plaide depuis longtemps pour que le rôle de l’animateur multimédia soit réellement considéré par sa collectivité territoriale, par son employeur et l’Etat en France. Regardons 10 ans en arrière ce que ces gens ont souvent fait modestement et dans l’ombre tout en apprenant leur métier, la plupart du temps, sur le terrain en s’auto-formant. La considération pour ces personnes est plus qu’importante, elle est essentielle car le métier d’animateur multimédia est en constante évolution et il joue un rôle de médiation et de passeur de savoir dans un processus d’éducation tout au long de la vie qui se renforce de plus en plus dans notre société. Cela fait partie d’un champ de nouveaux métiers-repères qui se situent à l’intersection de l’éducation, de la formation, de l’appropriation, de la citoyenneté... Des métiers où il est possible d’inventer, de faire découvrir, de réunir des acteurs sociaux autour de projets structurants pour et avec les habitants... Pour un mieux-vivre... Parce qu’on habite son territoire d’abord si on le fait sien et si on s’y reconnaît.