Tiers lieux et médiations numériques comme communs du territoire

, par  Michel Briand , popularité : 12%

Contribution sur un axe de travail possible lors de la rencontre Brest en communs au 214 (Maison du libre)

Comment les médiations numériques et les tiers lieux qui accompagnent les transformations numériques et impliquent une grande variiété d’acteurs peuvent-ils être considérés comme des communs du territoire, dans une démarche d’état des lieux, de diagnostic et de préconisations débattues et partagées ?

Ce texte est un mixte entre la discussion du groupe "Médiations numériques et tiers lieux comme communs" lors de la rencontre Brest en communs du 15 février et une contribution à la concertation sur une stratégie d’e-inclusion organisée par l’agence du numérique.

A ce stade ce n’est qu’une première écriture soumise à la discussion des acteur.ice.s des médiations et tiers lieux brestois.

Médiations numériques

Dans une société où les usages du numériques s’imposent de plus en plus au travail, dans l’éducation, les loisirs, la culture et pour l’accès aux services publics et aux droits, les médiations numériques deviennent indispensables.
Aujourd’hui, elles concernent directement 5 à 10 millions de personnes soit 10 à 25 % de la population ; des personnes par ailleurs souvent isolées ou en difficulté sociale.

Les acteurs des médiations numériques du territoire sont très variés : associatifs tels les équipements de quartier et acteurs du numérique ou du vivre ensemble ; équipements municipaux tels les bibliothèques et mairies de quartier, acteurs privés (tel Orange solidarité) …

L’élargissement des dématérialisations de services publics laisse souvent de côté ces personnes éloignées de l’écran et du numérique, en difficulté pour l’accès aux droits et services. De fait, au quotidien, cette demande d’accompagnement est reportée vers les animateurs des espaces publics numériques de proximité (les « Papis » à Brest) et auprès des travailleurs sociaux souvent surchargés et peu formés à ces médiations.

Un état des lieux doit donc prendre en compte la diversité des lieux de médiations mais aussi l’action des personnes en médiation auprès de ces personnes éloignées du numérique et des initiatives (ou de leur absence de prise en compte) dans les services publics qui mettent en place des services dématérialisés.

Une idée proposée à la rencontre « Brest en communs » du 214 (maison du libre) a été de considérer cette prise en compte des médiations comme un commun du territoire, c’est à dire de mettre l’accent non sur la rédaction d’un document « état des lieux » ou « diagnostic » mais sur son travail « en communs ».

Tiers lieux

Dans ces médiations qui accompagnent à nos usages du numériques de nouveaux espaces de travail nommés tiers lieux émergent. A Brest, comme sur d’autres territoires divers tiers lieux émergent parfois thématisés (Fablab, ESS, à la boussole, du faire soi-même à la maison du Péage, numérique au 214, à la cantine numérique, de l’innovation pédagogique à la coopérative pédagogique..).

L’expression « Tiers-lieux » est une traduction de la notion de « Third Place » issue de l’ouvrage de Ray Oldenburg, The Great Good Place, paru en 1989.

L’analyse du sociologue américain montre l’existence de lieux tiers, par opposition aux deux espaces que sont l’habitation et le lieu de travail : ces derniers se distinguent par un certain isolement de l’individu, à l’inverse de Tiers-lieux qui offrent la possibilité de nouer des relations sociales

Dans « Les Tiers-lieux : là où le travail se transforme », labo de l’ESS

Voir aussi le Manifeste des tiers lieux

Sur un territoire identifié, le Tiers-Lieu est une interface ouverte et indépendante permettant l’interconnexion ainsi que le partage de biens et de savoirs.

et le portail Movilab qui

constitue le capital informationnel commun des Tiers Lieux faisant le choix de rentrer dès leur conception dans une démarche de création et de développement Libre en appliquant un principe permanent de documentation open source de leurs actions communes.

Une rencontre des tiers lieux a eu lieu récemment à Brest (lien à ajouter).
La carte des lieux de coworking et du faire ensemble sur Brest donne un aperçu de la diversité des espaces.

Ces deux thèmes des médiations numériques et tiers lieux ont émergé comme un axe de travail possible lors de la rencontre Brest en communs du 15 février, d’où la proposition de les travailler de pair sous cet angle des communs.

Pour éclairer cette approche, je reprends ici une contribution à la concertation pour une stratégie numérique initiée par l’Agence du Numérique, en l’élargissant aux tiers lieux. Ce volet est à compléter, merci aussi de considérer ce texte comme un point de départ proposé.

Un état des lieux en attention

Établir un état des lieux des médiations numériques permet de prendre en compte la questions des usages et des personnes laissées de côté d’outils et de services numériques qui occupent une place de plus en plus importante dans la société.

Auquel dans notre approche s’agrège les espaces « en « Tiers lieux ».
Cette démarche repose sur une attitude d’attention aux initiatives qui regarde la diversité des médiations et tiers lieux sur un territoire : espaces publics numériques mais aussi médiathèques, associations d’insertions, accompagnement social, acteurs du libre, acteurs privés, équipements de quartier, club de personnes âgées, projets autour des cultures numériques, des transitions ... c’est toute une palette de médiations qui maillent un territoire.

Un état des lieux est important pour nommer toutes ces médiations et tiers lieux et les donner à voir parce que les acteurs ne se croisent pas spontanément.

Une démarche contributive

A côté des démarches que nous avons connues pour les schémas directeurs du haut débit, il n’est pas pertinent de transposer un schéma type répété (et souvent revendu en grande partie plusieurs fois d’un territoire à l’autre).

Si nous avons pour objectif de créer et d’amplifier une dynamique qui ne laisse personne de côté, il nous faut dans cette démarche impliquer les acteurs.

Aussi bien ceux et celles qui font mais aussi celles et ceux qui dans les services publics, par exemple, n’ont pas encore développé de médiation. Un état des lieux c’est aussi nommer ces creuxque ce soit en terme de médiations que de tiers lieux.

Une co-construction

Aussi une démarche de co-construction me semble un élément majeur d’une démarche d’état des lieux. Bien sur un acteur du territoire, un service municipal, une équipe universitaire, un consultant peut le piloter mais plus dans une démarche d’animation que d’écriture "à la place" de telle que nous l’avons connu pour les schémas directeur du haut débit.

Etre en attention mais aussi donner à voir !

A l’école nous avons appris à cacher notre copie, aussi l’écrit public qui donne à voir est encore difficile pour beaucoup d’acteurs. Pourtant publier valorise celles et ceux qui font et facilite une mise en réseau.

A l’opposé d’un état des lieux réalisé "hors sol" une écriture publique et ouverte contribue à la mis en réseau des acteurs des médiations.

Un état des lieux, diagnostic comme communs du territoire ?

Cet état des lieux peut être le point de départ de briques de politiques publiques, associatives et d’entreprises pour une e-inclusion élargie qui ne laisse personne de côté et accompagne les transitions.
Depuis quelques années le mouvement des communs nous apprend à mettre l’accent sur la gouvernance plus que sur la ressource.

Et si nous considérions cet état des lieux comme un commun ? C’est à dire avec un souci de règles de gouvernance qui permette à chaque acteur de la médiation numérique de participer à ce diagnostic et d’être force de propositions pour l’e-inclusion du territoire et le développement d’un réseau de tiers lieux. Le considérer comme un commun c’est le prendre en compte de manière évolutive et si possible en assurer la pérennité.

Etablir un état des lieux des médiations et tiers lieux, élaborer un schéma directeur sont un pas en avant mais essayons aussi la co-construction en attention, le donner à voir qui met en partage et une démarche de communs qui implique chacun.e.

Et rêvons un peu si l’agence du numérique accompagnait quelques démarches contributives pilotes .

Voir en ligne : http://a-brest.net/article21956.html