L’Edulab à l’hotel Pasteur, un espace pour expérimenter, se rencontre autour du numérique,, interview de Laurent Hamon élu au numérique à Rennes
Après avoir été durant quelques années un espace ouvert d’expérimentation social, l’Hotel Pasteur va bientôt abriter une école maternelle, l’Edulab et un hôtel à projets. Voici une présentation du projet Edulab, espace éducatif et culturel autour du numérique lors d’une visite-interview avec Laurent Hamon.
Bonjour Laurent est ce que tu peux te présenter en quelques mots ?
Je suis Laurent Hamon, militant écologiste et aussi élu à la ville de Rennes : conseiller municipal délégué aux usages du numérique et conseiller communautaire de Rennes Métropole.
Si tu avais à te présenter avec quelques mots clés quels seraient-ils ?
Co-construction : dans une position d’élu, je ne considère pas être le sachant mais plutôt un médiateur, un facilitateur. Pour cela il faut être en capacité de se faire bousculer sur ses préjugés, sur ce que l’on pense pour construire avec les autres.
Pour autant je maintiens toujours un cap en tant que militant écologiste sur des questions comme la démocratie, le pouvoir d’agir, sur des questions environnementales.
Toutes ces questions aujourd’hui nous bousculent et si l’on reste sur des postures habituelles d’élu classique, on n’embarquera pas grand monde dans notre projet. Je me définis un peu comme un facilitateur.
"Fin 2017, la Ville de Rennes entérine le projet de tiers-lieu dédié aux cultures numériques au sein de l’Hôtel Pasteur. Un “edulab”, lieu d’incubation de projets éducatifs en lien avec le numérique, sera ouvert à toutes et tous début 2020. Il occupera l’aile Nord du premier étage du bâtiment, soit environ 300 m2 dédiés aux pratiques éducatives expérimentales. La méthodologie retenue est celle du chantier-école, de la définition en actes. Un programme d’actions a été élaboré avec des groupes partenaires volontaires et nos partenaires. Il a pris vie dans les espaces en chantier de septembre 2018 à juin 2019."
Texte repris de la timeline du projet
Est ce que tu peux nous présenter ce qu’est ce projet Edulab ?
L’Edulab est un tiers lieu qui va permettre de faire se rencontrer des personnes, tout type de personnes, dans un lieu physique dont le fil conducteur est le numérique, mais pas que.. A l’intérieur on va pouvoir utiliser des choses différentes telles que des "lowtech", c’est à dire savoir ne pas utiliser le numérique. On vient dans un lieu identifié numérique pour, parfois faire un pas de côté vis à vis du numérique.
L’Edulab est un lieu pour co-construire des projets collectifs où l’on peut venir se former de manière individuelle, faire des rencontres en groupe ou travailler sur des projets communs.
Ce type de lieu n’existait pas vraiment à Rennes. on a des espaces publics numériques, des fablabs qui sont identifiés pour l’accompagnement des publics, la fabrication numérique. Mais on n’avait pas de lieux sur la question des usages et des pratiques, sur les cultures du numérique au sens large.
On vient dans un lieu identifié numérique pour, parfois faire un pas de côté vis à vis du numérique. Les questions autour de l’inclusion du numérique seront aussi abordées tout comme l’hygiène numérique
Dans la future programmation de l’Edulab 50% du temps sera dédié à la question éducative "scolaire" et les autres 50% pour tout type de public avec le midi des "en-cas" numériques et des temps dédiés à tout public dans la ville. Le lieu est mis à disposition de toutes les associations du comité des partenaires.
Est ce que tu peux préciser l’histoire de ce projet d’Edualb ?
Au départ, ce projet n’était pas centré sur l’hôtel Pasteur. Au début du mandat, j’avais émis le souhait d’un lieu qui ressemblait à ce lieu qu’était la Cantine numérique, qui depuis est partie du côté de la French Tech. Il n’y a pas de lieu physique à Rennes où les gens peuvent se rencontrer autour de ces questions du numérique.
Sur le territoire, on a un nombre d’associations et de partenaires énormes qui se parlent peu entre elles, ont peu de projets en communs, bien que les personnes se connaissent, ont des interactions personnelles. Le projet que je portais était de dire, il nous faut un lieu plus identifié lorsque l’on réfléchit à la question de la transformation numérique de la société qui nous concerne tous dans notre travail, notre vie personnelle , nos loisirs... un lieu plus éducatif ; d’où l’idée d’un tiers lieu, que l’on a appelé Edulab.
Je cherchais un lieu à Rennes, pour pouvoir le faire, qui ne soit pas dans une école. Et pendant le mandat est arrivé le projet de l’Hôtel Pasteur qui a la particularité d’associer une école au rez de chaussée et un hôtel à projet aux étages supérieur, pour tout type de projet, d’innovation sociale, culturelle.. avec dans l’entre deux l’Edualab avec 350 M2 dédié à ces questions d’usages, de pratiques et de cultures du numérique.
Est ce que tu peux expliquer la démarche de co-construction de ce projet Edulab ?
Je ne souhaitais pas que ce soit un projet qui sorte de la tête d’un élu et où les services répondraient bien à la demande formulée et qu’après on aille chercher les partenaires pour leur proposer d’occuper ce lieu.
Maintenant que l’on sait qu’on peut le faire, est ce que l’on peut mettre les partenaires autour de la table ? Pour cela on a lancé le "comité des partenaires du numérique". Ce comité avait déjà été réuni parce que j’avais mis en place, avec ma collègue adjointe à l’éducation, un plan du numérique éducatif local à l’intérieur duquel il y avait cet Edulab. Les partenaires que l’on avait rencontré se sont élargis et on a aujourd’hui une trentaine de partenaires pour concevoir ce lieu.
Depuis 3 ans on réunit régulièrement ce comité des partenaires qui définissent ensemble ce que va être ce lieu, ce que l’on va pouvoir y faire concrètement. Chaque association, collectif, institution, va pouvoir apporter des éléments pour sa définition.
Et aujourd’hui tout le monde est assez en phase et ces partenaires qui ne se connaissaient pas tant que cela ont plaisir à se retrouver. A chaque réunion, ils sont toujours là, tant les partenaires institutionnels comme le rectorat, l’inspection académique, que les associations de l’éducation populaire ou culturelle. Tout le monde est assez convergent sur ce qu’il y a à faire en apportant chacun sa petite brique dans la construction.
"Aujourd’hui, écoliers et étudiants ont coopéré par groupe. Les premiers avaient apporté leurs planches de projets, esquisses et matières sur des feuilles A3. De leur côté, les étudiants avaient également produit des planches de recherche. Ils ont confronté leurs envies et leurs imaginaires sur les futurs aménagements de l’aile Nord."
Texte et photo repris de la timeline du projet
Ce lieu est aussi en construction physique : il faut refaire les murs, les plafonds, tout est cassé.. Et pendant cette année de chantier qui va encore durer jusque septembre 2020, on a ouvert des chantiers d’école. Puisque l’on peut visiter le chantier durant les travaux, on a voulu associer les usagers finaux et notamment des jeunes.
On a monté des chantiers, chantiers d’insertion, chantiers d’école pour qu’ils puissent venir sur le lieu et qu’ils puissent définir avec nous les usages. Des étudiants de l’école d’architecture accompagnent une école primaire, sur un temps long, pour analyser les usages des enfants et voir en face quelle architecture d’intérieur pourrait être développée. Cela a donné naissance à 9 maquettes, très différentes les unes des autres qui mettent en débat la question des usages et ont donné des idées aux architectes pour l’aménagement du lieu. On a aussi fait un chantier école avec un collège qui vient à l’intérieur pour faire des cours de mathématiques en travaillant dans un bâtiment cassé des questions de géométrie. On a aussi associé des publics en situation de handicap.
Tout cela est restitué dans un pot commun qui alimente les uns et les autres dans la réflexion.
Comment est envisagée la gouvernance de cet Edulab ?
Pour ma part je pense que comme le lieu est original, il faut aussi avoir une gouvernance originale. Même si c’est la puissance publique, ici la ville , qui a la maîtrise d’œuvre, du projet, qui le porte financièrement et qui va chercher les ressources, je souhaite que le processus de décision et de vie de l’Edulab soit à l’image du comité des partenaires, c’est à dire que la ville de Rennes n’ait pas forcément une vois prépondérante, avec une gouvernance partagée. La ville de Rennes anime, est facilitatrice, mais ce n’est pas elle qui va faire vivre l’Edulab, ce sont les collectifs, les associations, les institutions qui sont partenaires. Pour cela il faut leur laisser la place dans les processus de décision.
Nous sommes en train de travailler sur cette question de gouvernance, de voir comment on se structure. Pour le moment, nous somme en régie municipale, par la suite pourquoi pas une association qui gérerait véritablement ce lieu de manière collective ?
Pour terminer si tu avais à citer une difficulté rencontrée dans ce projet et une facilitation ?
La difficulté majeure a été d’expliquer le projet à son début. Mes collègues élus ne comprenait pas bien ce que je proposais et j’ai passé beaucoup de temps à expliquer le projet. C’est pour cela que j’ai employé le mot Edulab, plus parlant que Tiers lieu. Il a fallu beaucoup de temps pour faire entrer dans la dynamique d’autres collègues élus et comprendre les enjeux. Une fois que cela a été compris les portes se sont ouvertes et la maire de Rennes a dit c’est un chouette projet, je vois à quoi cela sert et il faut y aller ! Le temps c’est celui de l’acculturation des uns et des autres. Sur la question du numérique, il y a des gens qui connaissent très bien, mais vont être parfois un peu trop "techno’ et ceux qui ne connaissent pas du tout ne se sentent pas valorisés alors qu’ils pourraient apporter des choses , pas besoin d’être expert pour cela.
Sur le volet facilitation, j’ai été surpris, et je le suis encore, que lorsqu’on invite à une réunion, ils sont tous là ! Et les personnes ont plaisir à discuter ensemble, il n’y a pas de gué-guerre, tout le monde est au même niveau grâce au positionnement de la mairie comme médiateur, facilitateur du projet.